La route et le progrès

Notre petit village est traversé par la D19A (route départementale) qui a pour nom de baptême "Grande Rue". Cette voie urbaine assure une liaison aisée avec les communes voisines: à l'Est OGEVILLER et la jonction avec la route Paris-Strasbourg, devenue D400, et à l'Ouest DOMJEVIN via la D19, ainsi que BENAMENIL sur la D400 et, par l'intermédiaire d'un judicieux échangeur, la communication directe avec la nouvelle N4 que chacun nomme Autoroute.
 
L'infrastructure routière de l'actuelle Grande Rue a eu pour origine un chemin de terre bien simple qui, au fil des ans a connu un confortement bienvenu par un empierrement nécessitant un sérieux tassement pour en assurer la solidité. Dans les années 1930, on pouvait voir le rouleau à vapeur prodiguant par des aller-retour nombreux le bon état de stabilité de la voirie. Les cantonniers oeuvraient avec leurs pelles et leurs fourches mais également avec de nombreux arrosages d'eau destinés à obtenir une bonne cohésion des matériaux. C'était l'époque du "macadam à l'eau", nettement inférieur techniquement au goudronnage et gravillonnage complété par un roulement dont bénéficiait la route nationale N°4 voisine, le grand itinéraire Paris-Strasbourg.

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Le rouleau à vapeur quitte son stationnement près du "local des pompes" pour se rendre au chantier de la route d'Ogéviller (dessin de l'auteur)

Puis vint le temps où la départementale qui traversait notre village bénéficia elle aussi du goudronnage, gravillonnage et roulement du rouleau à vapeur. Qui ne se souvient des gravillons qui avaient la fâcheuse tendance à s'envoler au passage des voitures trop rapides ? C'était l'entreprise BERNARD de Nancy qui stationnait sur place, pendant le temps du chantier, près du "local des pompes" avec un logement mobile sous forme d'une roulotte, demeure nomade du préposé à la conduite du rouleau, ainsi que son épouse dont le rôle était de faire bouillir la marmite pour son homme!..On se souvient des soirées après les dures journées de travail en plein soleil où les ouvriers de la route s'octroyaient un repos bien mérité, éclairé par le foyer du rouleau à vapeur projetant des lueurs oranges toujours en mouvement. Le-dit engin sommeillait, pret à donner de sa pression pour le travail du lendemain. Cette phase goudronnage-gravillonnage a règné après la seconde guerre mondiale, époque de la reconstruction, où nos routes avaient particulièrement souffert nécessitant une remise à neuf complète.
 
Les années passant, la belle RN4 voisine bénéficia d'une nouvelle technique routière avec le Tarmacadam suivit des Enrobés denses mis en oeuvre par les épandeurs "Barber greene". Le résultat de ce nouveau procédé se révéla parfait offrant un tapis noir uniforme particulièrement roulant et apprécié des usagers. Le procédé est toujours d'actualité.
Ce bref rappel de l'histoire de la route nous montre la marche du Progrès.
 
La route peut ainsi affronter la pluie comme la neige. 

A propos de cette dernière, la neige n'est pas une inconnue en notre région lorraine même si nous convenons que nous ne sommes ni dans les Alpes ni dans les Pyrénées dont les épaisseurs de neige se révèlent toujours importantes. En retraçant l'histoire de nos routes par temps d'hiver, nous avons connu au siècle dernier avant la seconde guerre mondiale sur notre D19A le déneigement par des engins sommaires: une étrave en bois tirée par des chevaux; puis vint la même étrave poussée par un camion, procédé un peu plus moderne mais qui avait le mérite d'assurer la circulation d'Est en Ouest de notre itinéraire. Après la seconde guerre le camion déneigeur était équipé d'une lame métallique rejetant la neige sur les côtés. Le chasse-neige à turbine opérait plutôt sur les routes du massif vosgien. Ainsi va la marche du Progrès, assurant, en ce qui nous concerne localement la continuité de la circulation notamment vers Ogéviller.
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A la sortie du village, côté Ogéviller, le panneau triangulaire "Route non dégagée en hiver"

Serions-nous entrain de régresser, de tourner le dos au progrès ? La question se pose après implantation d'un panneau à l'Est de notre village "Route non dégagée en hiver". En temps de neige, la libre circulation ne serait donc plus assurée côté Est pour atteindre Ogéviller pour une raison économique discutable car on néglige ainsi les transports par autobus notamment. L'engin de déneigement doit opérer un retour à vide après être arrivé au panneau limite. Où se trouve l'économie de carburant ? Nous ne pouvons que nous étonner d'un tel raisonnement pour 1500 mètres à déneiger.
 
Il nous est pénible de constater qu'au siècle précédent, à l'époque du cheval traînant son étrave en bois dans la neige, on assurait la libre circulation intervillage. En notre XXI° siècle ce service essentiel n'existe plus: le panneau "Route non dégagée en hiver" l'interdit.

Quelle régression !
 
Au siècle de l'internet, de la modernisation à tout crin, on peut se poser la question : Ne tournons-nous pas le dos au progrès par une telle attitude ?  Les instances officielles responsables se doivent de réagir; car "qui ne dit rien consent"...  Nos ancêtres, eux, doivent se retourner dans leurs tombes !...
 
Conclusion : le Passé était mieux que le Présent, espérons en l'Avenir...
 
 
Jean SPAITE     Janvier 2014
 

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