Après l'école, en 1920-1930

La jeunesse de notre village en ce XXIe siècle trouve tout naturel le ramassage scolaire par le bus affecté à ce service. Il nous faut rappeler qu'au siècle passé, comme partout dans notre monde rural, notre commune avait la chance de posséder une école. La classe unique prenait les écoliers à partir de sept ans et les amenait jusqu'à quatorze ans, sachant lire, écrire, compter, cet acquis étant sanctionné par le diplôme du certificat d'études. Tout cela a fonctionné jusqu'en 1963 et le dernier "mait' d'école" a été Monsieur Lucien CLAUDE. Après, il y a eu le ramassage scolaire par le bus dans lequel la prime jeunesse estudiantine rigolait bien !!

Mais après cette période, que devenait-on ?

De nos jours, après le collège et le lycée, on passe le bac, on poursuit les études ou on cherche un métier et, en ces moments difficiles où il n'y a pas de place pour tout le monde, c'est vers la case ANPE que l'on est dirigé. Drôle d'époque !!...

Qu'en était-il dans le temps ?

Revenons en arrière dans la période 1920-1930.

Le monde rural d'alors était marqué par l'agriculture, l'élevage et les activités dérivantes de ce contexte. Après l'école de tous les jours, les écoliers avaient un rôle à remplir auprès de leurs parents: garder les vaches au pâturage, aller chercher de l'herbe pour les lapins, enlever l'herbe dans le jardin. Ce n'était pas du tout "la semaine des quatre jeudis". Très tôt la jeune main-d’œuvre était employée aux travaux des champs. Et à la belle saison, on allait en famille dans la prairie pour faner, retourner l'herbe fauchée, puis chargée sur les chariots et rentrée au grenier. En prévision des froideurs de l'hiver, c'est à la belle saison que l'on rentrait le bois fendu et séché au soleil. Les petites mains remplissaient corbeilles et brouettes et rangeaient les morceaux en des piles volumineuses. Nous constatons que la famille constituait une main-d’œuvre indispensable dans la vie à la campagne. Si les garçons s'occupaient des "gros œuvres", les filles n'étaient pas pour autant inactives. Elles étaient plus orientées vers les tâches ménagères: lavage, repassage, raccommodage, cuisine; et très tôt dans notre univers marqué par la broderie blanche et la broderie perlée, elles étaient initiées à ces pratiques.

Comme nous l'avons évoqué précédemment, les années scolaires étaient marquées par une étape importante: le certificat d'études. Les "plus savants" allaient jusqu'au "premier ordre" voire le "brevet" mais exceptionnellement au-delà: le baccalauréat et les facultés.

D'où la question: Après l'école ?

Le chansonnier lorrain, humoriste George CHEPFER (1870-1945) dans une saynète folklorique savoureuse résume la situation en une phrase: "Qu'est-ce que nous pourrions bien faire du Mimile ?", titre d'une paysannerie lorraine datée de 1929.

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Cette question, bien des parents se la posaient arrivé à l'étape du certificat d'études et des quatorze ans de leur Mimile ou de leur Nénette! Pour les garçons dans leur plus grand nombre ils devenaient main d’œuvre agricole auprès de leur père. Le soucis de ce dernier étant d'assurer la continuité de l'exploitation de la ferme. D'autres garçons s'orientaient vers des métiers manuels: maçonnerie, menuiserie, charpente, couverture. Avec l'avantage d'être exécuté chez soi, le métier de vannier avait ses partisans et l'école de vannerie d'OGEVILLER y a contribué efficacement. Certains brûlaient d'envie de devenir fonctionnaires: La Poste, les Chemins de fer, la Police, la Gendarmerie, les Ponts et Chaussées, les Compagies d'Electricité et du Gaz, les Hôpitaux de Nancy et Lunéville sans oublier l'Armée où, après le service militaire obligatoire, "on rempilait" dans un métier sûr! 

Considérant que l'école primaire avait rempli son rôle, mais que leur rejeton ne pourrait quand même pas envisager de longues études, quelques parents assuraient ces années indispensables par un complément. C'est ainsi que le Collège de Lunéville et l'Institution St Pierre Fourier de Lunéville (1) ont accueilli des garçons de Fréménil pour une période limitée. Autre solution, mais plus rare : le Lycée Poincaré de Nancy, l’École Normale d'Instituteurs ou le Séminaire de Bosserville, mais là il fallait faire preuve d'une vocation bien spéciale.

Et les filles, que devenaient-elles ?

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Après l'école, la plupart restaient à la maison en s'activant à aider la mère de famille qui l'initiait à devenir à son tour une bonne mère de famille. N'oublions pas l'importance de la cellule familiale : les "basses-ailes" étaient naturellement appelées à se marier un jour et à fonder une famille! Pour garder le futur mari, il était indispensable d'être une bonne cuisinière rappelait-on avec conviction. Il n'est pas étonnant qu'après la période scolaire initiale, certaines filles soient pensionnées dans des écoles bien spécifiques : l'Institution des Saints Anges à Lunéville (2) qui offrait un enseignement complémentaire général, plus un enseignement ménager réputé. A Baccarat il y avait l’École privée de Gondrecourt, célèbre pour son enseignement ménager. Donc après l'école, les filles de notre village, si bien sagement elles attendaient "le prince charmant" qu'il soit cultivateur ou fonctionnaire, bien des appelées se sont orientées vers la broderie blanche, la broderie perlée, la couture, la cuisine. Certaines sont allé à Lunéville et à St Clément pour travailler dans la faïence ainsi que dans l'industrie de la chaussure (Bata). On en retrouve dans le milieu hospitalier à Lunéville et à Nancy, ainsi que dans l'administration: La Poste, les Chemins de fer, les Compagnies d’Électricité et du Gaz. Pas loin de notre village, elles ont trouvé du travail dans les laiteries, fromageries. Et puis bien de nos filles ont fait carrière comme "employée de maison" ou dans les commerces d'épicerie et boulangerie; mais bien peu dans l'enseignement.

Voilà donc, comment au siècle passé, entre les deux guerres mondiales, nos garçons et nos filles de l'époque ont répondu à la question "Après l'école?" et sont devenus des adultes. Ainsi passe le temps...



NOTES

(1) Dénommée "PF" par les étudiants lunévillois.

(2) L'Institution des Saints Anges de Lunéville relevait de l'enseignement catholique privé. Une prière propre à l'institution est parvenue jusqu'à nous:

     Prière du Matin :
     Bonjour mon bon Ange
     C'est à vous et à Dieu que je me recommande
     Vous m'avez gardé la nuit
     Gardez-moi le jour sans que mon Dieu soit offensé.

     Prière du Soir :
     Bonsoir mon bon Ange
     C'est à vous et à Dieu que je me recommande
     Vous m'avez gardé le jour
     Gardez-moi la nuit sans que mon Dieu soit offensé.

                   Jean SPAITE         Juillet 2015

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