Toponymie et histoire, personnages

Fil des billets - Fil des commentaires

dimanche 15 mars 2009

C'était au temps des roulements de tambour

Voici Nicole MALGRAS dans ses fonctions d'appariteur. Photo prise le 18 AOUT 1986 .

Avant elle, il y avait eu Lucien CARMENTRE, Georges DURAND et bien d'autres. L'appariteur et son tambour faisait partie des événements du village. Après un roulement prolongé permettant aux auditeurs d'ouvrir les fenêtres et les oreilles, l'agent officiel proclamait à haute voix : "Avis, Monsieur le Maire informe .....", suivait un texte dont la conclusion était précise : " Qu'on se le dise !!". Et bien souvent, les auditeurs et auditrices, citoyens et citoyennes, « un peu durs d'oreilles » , se faisait répéter l'avis !!

Quand bien même cet exercice n'était pas « moderne », il faisait partie de la vie du village et de son folklore. En Mars 1991, la municipalité a décrété " la fin du tambour " pour cause de vétusté!! L'instrument, il est vrai méritait une « nouvelle peau de tambour », ce qui ne devait pas être hors de prix, tout en permettant l'exercice d'une tradition.

Il a été officiellement remplacé par les avis dans la presse !!

Je ne pense pas qu'au nom du « modernisme », on aille supprimer les sonneries de cloches du « motet », sous prétexte que chacun a sa montre, son réveil, voire son radio-réveil !! Gardons espoir puisque, pendant la Semaine Sainte précédant Pâques, nos jeunes parcourent vaillamment les rues de notre village avec leurs crécelles. Les « bruhants » sont toujours vivants.

Il nous reste cette photo souvenir du dernier appariteur de la commune en exercice en la personne de Nicole MALGRAS. Depuis 1991, les roulements de tambour se sont tus... sans pour autant supprimer d'autres bruits, nuisances en progression, Hélas !!

Jean SPAITE - Février 2009

mercredi 18 février 2009

A propos du nom des rues de Fréménil

1 - LA GRANDE RUE.

- C'est la voie principale du village. Dans plusieurs communes on la retrouve sous l'appellation de "Rue Principale" ou "Grande Rue". C'est cette dernière dénomination qui est utilisée ici avec, suivant les époques, une forme altérée de "Grand' Rue".

- Dans des communes traversées par une voirie plus importante, la rue principale devient "Route Nationale" après avoir été "Royale" ou "Impériale" et plus récemment  "Rue de la Libération".

- La Monographie de 1888 de Monsieur Aristide RENAULD, Instituteur, nous mentionne l'appellation "Rue du Puits" entre l'église et le côté Est (vers OGEVILLER), et la "Rue du Faubourg" pour la partie entre le Ruisseau des MEIX (actuel Ruisseau de la MAXELLE) et le côté Ouest (vers BENAMENIL). Quant à l'appellation "Grande Rue" on la trouve,à cette date, à l'emplacement de l'actuelle "Rue de la Prairie" (la BANVOIRE).

 - En résumé, à cette époque (1888), l'église de FREMENIL était implantée sur "la PLACE" au milieu du village, et trois rues rayonnaient, à savoir :

    - Côté EST   : La Rue du PUITS (où se trouvait l'unique puits banal)

    - Côté OUEST : La Rue du FAUBOURG.

    - Côté NORD  : La Grande RUE (la BANVOIRE)

- Une remarque : Pour éviter les numéros bis, ter, etc.., la partie EST de l'actuelle "Grande RUE" (en direction du cimetière communal) comportant de nouvelles maisons (dont la première C.F. construite en 1977), à partir du n°1 (conservé Grande Rue) pourra être baptisée Rue (ou Route) d'OGEVILLER avec une nouvelle numérotation de cette section.

2 - LA RUE DE LA PRAIRIE.

- C'est la rue qui permet d'accéder à la prairie située entre la VEZOUZE et la VERDURETTE (anciennement ruisseau d'AHLAN). Elle dessert le quartier de "la BANVOIRE". De BAN , propriété du Seigneur du lieu (ici, la prairie), mais à usage obligatoire des paysans moyennant redevance (comme l'usage du four banal, du puits banal) et VOIRE ,du germain WARD, garde, gardien.

- A "la BANVOIRE" se situait la maison du gardien du BAN qui peut être considéré comme le garde champêtre. Ce ban communal, c'était la prairie où venaient paître les animaux (vaches, moutons). Le gardien était chargé de percevoir un péage pour les utilisateurs en fonction du nombre de têtes d'animaux. Aux abords du petit pont enjambant le ruisseau se trouvait un abreuvoir naturel (côté amont) où les bêtes pouvaient s'abreuver (et on a longtemps cru que "la BANVOIRE" était une déformation "d'ABREUVOIR") et un pédiluve (côté aval) fréquenté par les chevaux.

3 - LA RUE DES VIOLETTES.

- Diverses appellations au gré des ans pour cette voirie :

    - D'abord "Route de BURIVILLE" puisqu'elle permettait d'accéder à cette commune voisine , côté SUD.

    - Puis "Chemin du BOIS ". C'est en effet par là que l'on accédait directement à la Forêt de MONDON pour aller chercher du bois, le couper, le débiter, le charroyer et l'amener sur place, devant le logis, sur l'usoir où il était scié, fendu, rentré, rangé pour sécher et enfin brûlé dans la cheminée (l'âtre) pour le chauffage de la maison et la cuisson des aliments. Le Bois, c'est toute une partie de l'histoire de nos campagnes. Et le "Chemin du BOIS" avait une réelle importance.

- En 1911, le Chemin de fer départemental L.B.B.( de LUNEVILLE à BLAMONT et à BADONVILLER) est inauguré et la partie de voirie desservant la gare est dédiée tout naturellement à celle-ci. La "Rue de la GARE" était née ! Et quand bien-même si, depuis 1942, "le TACOT" a été supprimé, l'appellation "Rue de la GARE" est restée encore vivace.

- La "Rue des VIOLETTES" est une appellation plus récente et plus romantique. Vers 1970, après avoir réalisé le tout à l'égout, le nouvel éclairage public, les bordures de trottoirs et un nouveau revêtement routier, la municipalité retrouve l'intérêt de la numérotation des maisons (déjà établie pendant la première guerre mondiale et abandonnée la Paix revenue!). Et dans la foulée, on installe des nouvelles plaques des rues. C'est à cette occasion que la "Rue de la GARE" se trouve baptisée "Rue des VIOLETTES".

- Le Maire Yves ADAM (1924-2006) m'a confié que quand sa fille C. était petite, il l'emmenait promener par ce cheminement baptisé par elle la "Rue des VIOLETTES" puisqu'elle faisait de jolis bouquets odorants en cueillant ces petites fleurs nombreuses aux abords de cette rue. C'est donc pour pérenniser ce souvenir qu'Yves ADAM a pris l'initiative de baptiser la "Rue des VIOLETTES".

- Dans sa monographie (1888), Monsieur RENAULD nous situe à mi-chemin de cette Route de FREMENIL à BURIVILLE (entre le pont du ruisseau de la Source CLAUDINE et l'ancienne gare L.B.B.) un lieu-dit "Rue JOTE", communément désigné par l'appellation "Les GOTHS"(ou "les GOHS"). N'y a t-il pas un rappel lointain à ces peuplades qui avaient pour noms WISIGOTHS, OSTROGOTHS, guerriers envahisseurs et destructeurs ( V° et VI° siècle) ?

4 - LE CHEMIN DE LA MAXELE.

- "La MAXELE" est le ruisseau qui vient du SUD (côté RN 4 ), dans le secteur dénommé "Le COUGNOT" (terrains situés dans un "COIN"). Ce ruisseau latéral au chemin d'exploitation de la MAXELE, traversait par un aqueduc (aujourd'hui déposé) la plateforme du TACOT (L.B.B.) avant de rejoindre le ruisseau de la Source CLAUDINE qui affluait sur la droite. L'ensemble des eaux se dirigeait ensuite vers la VEZOUZE, après avoir traversé par un aqueduc la "Grande RUE".  Ce chemin , appelé aussi "Le Chemin du COUGNOT" avait aussi une autre appellation "Le Chemin de la VANNOX" (prononcer VANNOFF') où se trouvaient de nombreux terrains aménagés en "SAULCY" (ou SAUSSIS) où poussaient des "SOLES" les osiers dont on faisait des paniers, de la vannerie.

5 - LE CHEMIN DU HAUT DES MEIX.

- Petit chemin qui, avant le remembrement de 1990, se prolongeait en un tracé tourmenté jusqu'à la Rue des Violettes (ancienne Rue de la Gare). Limité dans sa longueur actuellement, un nouveau tracé de prolongement et un élargissement, permettrait de desservir une nouvelle zone de construction.  En vieux lorrain "les MEIX" étant "des JARDINS", on peut supposer que ce chemin desservait la partie haute des jardins situés dans ce secteur.

6 - LE SENTIER DE LA NICE BATAILLE.

 - Sentier très ancien, desservant notamment la partie arrière des propriétés Coté OUEST de la Rue de la PRAIRIE (quartier de la BANVOIRE). Ce sentier part de la "Grande RUE" et descend jusqu'au Chemin du Gué (Verdurette – Vezouze)

- Une terrible bataille s'est déroulée dans la plaine de la Vezouze, entre DOMJEVIN et BENAMENIL faisant de nombreuses victimes. Un attroupement d'habitants du village, tapis sur ce sentier suffisamment éloigné du lieu des combats, ont assisté en spectateurs inquiets (mais curieux quand même !!) à cette "NICE" Bataille (Du patois lorrain "NICE" ou "NISSE" signifiant difficile, mauvaise, vilaine, désastreuse). Cet évènement guerrier a laissé chez ces témoins , un souvenir durable ainsi que le prouve l'appellation parvenue jusqu'à nous.

   1ére Explication:

   - Dans sa monographie (1888), Monsieur RENAULD évoque "un fait historique dont les Anciens n'ont nullement connaissance" à rapprocher du "CAMP" situé à l'EST et cette "NICE BATAILLE" située à l'OUEST. Les belligérants supposés, venant du "CAMP" (à l'EST) auraient donc livrés bataille dans la prairie située à l'OUEST contre des guerriers venant donc de ce côté ??

  2ème Explication :

   - D'après l'annuaire de Lorraine de 1938, l'église de DOMJEVIN est bâtie sur l'emplacement où furent enterrés plus de 2000 soldats tués en 1674 dans une bataille entre CHARLES IV et les Français. La bataille a eu lieu entre DOMJEVIN et BENAMENIL, dans la plaine de la Vezouze. Faut-il trouver-là une interprétation du "Sentier de la NICE BATAILLE" d'où des Fréménilois impressionnés à juste titre ont vu le déroulement de cette tragédie ?? 

    Précision : C'était bien avant la construction de la nouvelle R.N.4 en remblai qui, maintenant forme écran en direction de l'OUEST.

7 - LE CHEMIN DE LA SOURCE CLAUDINE.

 - Dans le langage local, on le trouve sous la dénomination de "SAUCE GLAUDINE". Rien à voir avec la sauce d'une cuisinière talentueuse !! Après le remembrement de 1990, ce cheminement, qui se prolongeait vers l'EST et remontait ensuite vers le chemin du Tacot a été fâcheusement tronqué. Il permettait la desserte arrière des propriétés côté impair des maisons situées sur la Grande RUE.

8 - LE CHEMIN DU TACOT.

- L' ancienne plateforme du Chemin de fer Départemental de LUNEVILLE à BLAMONT et à BADONVILLER (L.B.B.) 1911-1942, plus communément appelé "le TACOT" est utilisée à des fins de voirie sur une courte section, le reste étant considéré comme chemin d'exploitation. Il est certain qu'après des travaux d'aménagement, ce cheminement est appelé à un avenir pour desservir de nouvelles constructions.

9 - LA BARAQUE.

- Terminons notre revue des rues, chemins et sentiers de notre village par " LA BARAQUE ". Qualifié "d'écart", il convient de ne pas oublier cet ancien moulin , correspondant aujourd'hui à deux corps de logis voisins. Cet écart est desservi sur sa façade SUD par la Route Nationale N° 4 PARIS - STRASBOURG et, à peu de distance de son flanc EST, par le Chemin d'intérêt Commun N° 19 de VAUCOURT à BACCARAT devenu CD 19. Côté OUEST, à la limite des frontières des communes de BENAMENIL et de DOMJEVIN, existait un chemin rural dit "de LA BARAQUE ", unissant la RN 4 au CD N°19. A l'occasion du remembrement de 1990, ce chemin de "la BARAQUE " a été supprimé et son emprise incorporé aux terrains du lieu-dit.

- Le vieux moulin, situé à 1,5 Km à vol d'oiseau du village, mais à 2,4 Km en empruntant le CD 19, puis le CD 19A, ou à 2,9 Km en empruntant la RN 4, puis le CVO N°3 dit de BURIVILLE ; cette distance devait être franchie par les enfants de "la BARAQUE" pour se rendre à l'école de FREMENIL; mais "ils coupaient au court" en utilisant un cheminement qui les amenait de "la BARAQUE" au COUGNOT, puis à la VANNOX ( VANNOFF ) pour arriver au centre du village (soit 1,9 Km).

- En ce temps-là, il existait des sentiers. C'était avant le remembrement !!!  Partis le matin de bonne heure avec leur "pot de camp" pour le déjeuner, réchauffé par l'épouse de l'instituteur, ils regagnaient leur maison par le même itinéraire "après l'école" à la fin de la journée. Ceci se passait avant 1914 et les écoliers de "la BARAQUE" avaient pour nom GASCARD

- Datant de la féodalité, le moulin de "la BARAQUE" appartenait au Seigneur DE LANOY d'HERBEVILLER. Il a dû cesser son activité meunière en 1857 à la suite d'un incendie; mais l'habitat a toujours été occupé jusqu'à nos jours. En 1853, le moulin de "la BARAQUE" comportait une maison occupée par deux ménages avec dix habitants.

CONCLUSION :  Amis lecteurs internautes, en voilà des choses apprises sur notre Site !!!

                 A bientôt pour vos commentaires.

Jean SPAITE - Février 2009

samedi 14 février 2009

La poupée du Pépére

Le PEPERE était un paysan lorrain d'une vieille famille originaire de la vallée de la VEZOUZE, né dans la seconde partie du XIX° siècle. Comme beaucoup de ses contemporains , il exploitait un petit train de culture, produisant du blé, de l'orge, des betteraves, des pommes de terre. Le jardin attenant à sa ferme lui permettait une autosuffisance en légumes. Une ancienne chènevière près du ruisseau avait été aussi convertie en terrain potager très fertile. Une petite vigne et une treille en plein midi lui fournissait son raisin. Son cheptel était celui de bien des cultivateurs du village: un cheval, le brave BAYARD, trois vaches, quelques veaux, des poules et des lapins. Quelques ruches venaient compléter son équipage, procurant à la famille du bon miel lorrain.

Dans cette région réputée pour ses productions de vannerie, il possédait également des "saulcis" d'osier lui permettant de travailler des paniers pendant la saison d'hiver, après le cycle laborieux de la coupe des "soles" suivi du pelage au "péleu" et le séchage au soleil des "soles blanches". Ainsi sortaient de ses mains habiles, des corbeilles, des "bonges", des "charpagnes", des "pagnettes", des "volettes", ces claies en osier de forme ronde pour servir la bonne tarte de mirabelles de chez nous!...Quelques arpents de prés situés dans la prairie fournissait du foin et du regain apprécié par les bêtes pendant la saison d'hiver. Ajoutez à tout cela deux vergers plantés de mirabelliers, de cerisiers, de poiriers, de pruniers et de pommiers, de quoi avoir des fruits à longueur d'année.

La MEMERE, son épouse, avait bien du travail pour assurer l'intendance avec ses deux filles. Faire bouillir la marmite  n'était pas un vain mot, tout en se consacrant au ménage, la lessive, l'entretien de la maison, le jardinage, les soins des poules, lapins et cochons,sans compter la traite des vaches. Des journées bien employées pour elle aussi, qui complétait le budget familial par la production de broderie blanche: ici, si les hommes faisaient des paniers, les femmes elles, brodaient des mouchoirs, des draps, des taies d'oreillers pour des maisons réputées de PARIS. En ce temps-là, on ne chômait pas et malgré ce travail intense, on était heureux de vivre!...
   
Activité naturelle de nos paysans lorrains pendant la saison d'hiver: le bûcheronnage. En hiver, "on allait au bois!", car le chauffage des maisons était uniquement assuré par le bois comme combustible. Ce bois qu'il fallait abattre, débarder, débiter en quartiers, ranger en stères, transporter, scier, fendre, faire sécher, puis rentrer à l'abri. D'où le constat populaire: le bois, c'est un excellent moyen de chauffage, mais il donne chaud déjà avant de brûler.

La guerre de 1914-1918 avait dévasté la belle forêt de PARROY et, dans une moindre mesure, la forêt de MONDON. Après le conflit, il a fallu déblayer la forêt qui avait servi de champ de bataille. Les arbres étaient enchevêtrés, le sol était défoncé par les tranchées, les trous d'obus, les vestiges des sapes et des abris. Nos bûcherons lorrains ont assuré cette remise en ordre, assortie malheureusement de découvertes macabres qui ont trouvé un dernier repos au cimetiére militaire de REILLON nouvellement créé. Le travail de bûcheronnage sur ce champ de bataille était rendu dangereux par la présence des obus, des grenades, parfois de mines non éclatées. Le bois lui-même, meurtri par la mitraille, présentait des éclats d'obus néfastes aux lames de scies.

Dans les années 20, le PEPERE a senti le besoin d'augmenter sa productivité et de réduire sa peine. Premiers pas du progrès dans le domaine du bois de chauffage. Si l'abattage des arbres nécessitait l'emploi des haches, des merlins et des coins, le sciage voyait l'utilisation du passe-partout, cette longue et large lame dentée équipée de deux poignées, mise en mouvement de va-et-vient par deux hommes...On ne parlait pas de tronçonneuses en ce temps-là! Cependant les stères de bois stockés sur l'usoir des fermes étaient débités "à l'os", à la scie sur un chevalet.

Le PEPERE avait alors fait l'acquisition d'une scie à ruban mue par un moteur à essence, un BERNARD-MOTEUR, qui devait être bien connu par la suite dans les exploitations agricoles. La traction de cet engin était assurée par le "BAYARD, le brave cheval du PEPERE. Et ainsi, de fermes en fermes, de villages en villages, on pouvait voir l'équipage du "scieur à domicile" préparant le combustible pour la période d'hiver, évitant le long travail de sciage "à l'os" sur le chevalet. Bien sûr, il restait à faire le fendage, mais ce travail était jugé moins pénible que le sciage.

J'ai retrouvé une photo du PEPERE et de sa scie à ruban. Le brave BAYARD attend sagement sur  le côté, les pieds dans la sciure, et les oreilles pleines du chant de la lame débitant ses morceaux de bois.


"ET LA POUPEE ?"me direz-vous...  

 J'y arrive...       

Un jour, le PEPERE a trouvé sur un tronc d'arbre le dessin d'une Alsacienne avec sa coiffe en large ruban. Sans doute l'ouvrage d'un soldat sculpteur au couteau, en mal de sa promise. Le PEPERE avait tenu à conserver ce morceau de bois, témoignage de cette guerre qui avait fait tant de mal. Longtemps, je l'ai vu suspendue à une poutre au-dessus des réduits à cochons, et quand on passait près du "toc" sculpté, on disait bonjour à "LA POUPEE DU PEPERE".


Les années ont passé, le PEPERE nous a quitté il y a bien longtemps, une seconde guerre est venue encore avec ses malheurs.   La pauvre poupée a disparu. Prise de guerre ou bois de chauffage? Nul ne peut le dire. Il reste toujours le souvenir de "LA POUPEE DU PEPERE".
                         

                                                                             Jean SPAITE

Précisons: Le portrait du PEPERE concerne mon propre grand-père Albert MANONVILLER de FREMENIL (1870-1935)

Article écrit par Jean SPAITE et publié dans la REVUE LORRAINE POPULAIRE - AVRIL 2004- N° 177


Le Nicolas

Le NICOLAS ? Mais si, voyons, vous l'avez bien connu ! Il était né en 1875 et il est mort en 1956. Il avait 81 ans. Il était une figure dans son village. Cultivateur il était, cultivateur il était resté, jusqu'à son dernier jour, amoureux de la terre lorraine qui l'avait vu naître. De taille moyenne, coiffé d'une éternelle casquette sur un visage buriné, vêtu du traditionnel pantalon de velours côtelé, il illustrait le type même du RABOUROU (1): le laboureur de chez nous. Les yeux plissés, abrités par des sourcils très fournis,

C'était surtout quand il ouvrait la bouche sous sa moustache abondante pour parler en patois lorrain que l'on était étonné par le personnage. Il maniait le parler de chez nous avec aisance et son langage me posait problème lorsque j'étais petit. Je vous avoue que ses conversations avec ma grand-mère m'obligeaient à m'interroger sur la traduction. Bien gentiment, ma grand-mère me donnait par la suite la signification des mots qui m'avaient échappés. C'est ainsi que j'ai appris le lorrain comme d'autres apprennent une langue étrangère. Comme mon bon vieux grand-père était décédé, il me prit en affection et m'invita à venir avec lui dans les champs. Lui qui avait eu seulement deux filles, il était content d'avoir un garçon dans ses pas!...

Mais comment apprivoiser un gamin lorsque l'on reconnaît son propre côté bourru et pas si facile? C'est bien simple: il y a le CHEVAL !


Après une paire de cheminement sur le dos du "MARQUIS", j'étais convaincu de la belle vie du cultivateur ! Car ce philosophe-paysan maniait l'humour à sa façon. Donc ,son brave cheval de la race ardennaise avait droit au titre de "Marquis". Le NICOLAS possédait six vaches mais avait aussi un boeuf qu'il attelait pour certains transports. Cette grosse bête m'impressionnait car elle n'était pas toujours obéissante. Il ne fallait pas aller près de ses pattes : ce "bestiau" savait décocher "ses coups en vache"! Une telle attitude lui avait donné droit au patronyme de "STAVISKY" par le NICOLAS qui n'aimait pas les banquiers frauduleux en qui il ne fallait pas faire confiance. Avec lui, j'ai connu les quatre coins du ban communal avec les lieux-dits qui fleuraient bon le terroir.

Mais quand on est jeune, on a aussi ses occupations. Il me fallait aller à l'école et laisser "le NICOLAS" à son travail agricole. Quand je le retrouvais, il en avait des choses à raconter. "Tiens, pas plus tard que ce matin, j'étais au "GRAND JOURNAL"(2), près de la grand'route, et ben tiens-toi bien : j'ai vu passer deux camions des bouillons KUB et des potages MAGGY; et pis aussi le camion d'la "COPETTE"...(3) Heureux temps où, sur la route PARIS-STRASBOURG, on pouvait encore dénombrer les camions qui passaient!...


Je me souviens aussi des casse-croute chez lui, dans la cuisine. "Le travail, ça donne faim, ça donne soif, et il faut reprendre des forces, hein petit!.." Avec un cérémonial très rustique,il invitait sa femme , la bonne ALINE, à garnir la table : la miche de pain était coupée en larges tranches et l'on avait droit à la saucisse maison "de not' cochon". Cette charcuterie fumée à coté des bandes de lard et des jambons dans la sombre cheminée occupant un large coin de la cuisine, donc cette saucisse lorraine avait été baptisée par ses soins :" le bout du monde"! Et vraiment, j'appréciais " le bout du monde" du NICOLAS ! Ses filles étaient mariées avec des hommes prénommés tous les deux RENE, il les avait classés par ordre d'ancienneté : Il y avait " le RENE 1" , marié avec l'aînée, et " le RENE 2", époux de la deuxiéme. Hommage à sa façon aux Ducs de LORRAINE. Pince-sans-rire, il annonçait que s'il avait eu une troisiéme fille, il l'aurait appelé SCHOLASTIQUE !(4) Il avait consulté le calendrier, c'est une Sainte que personne ne connaissait : alors personne ne pourrait l'appeler pour lui prendre avec un nom pareil!...

Ce qui m'étonnait toujours, c'était de l'entendre vouvoyer sa femme, la bonne ALINE. Encore une marque de respect, de courtoisie, qui relevait d'une autre époque. 

Les années passant, et marqué par la fatigue, il laissa sa ferme à sa fille cadette et à son " RENE 2". Le NICOLAS et l'ALINE habitèrent dans une petite maison située pas bien loin de la Mairie-Ecole. Là au moins, il voyait des gens : les commerçants qui passaient avec leurs camionnettes, les autres paysans qui travaillaient encore et les gosses qui jouaient sur la place du village. Cette petite maison, il l'avait pompeusement dénommée "Mon Chateau".
 
Un jour, mon cousin MARCEL est venu lui rendre visite avec son épouse.
  "- Comment qu't'es v'nu ici ?
  "- Ben, j'ai une voiture!
  "- Et où est-ce qu'il est ton auto ?
  "- Ben près d'ton ancienne maison, d'vant ta ferme !
  "- Te vas m'faire le plaisir d'aller le chercher tout d'suite et d'le mett'là, d'vant chez nô, pour que les gens d'ici i sachent que j'ai une visite qu'a un auto ! Ah, mais!...

Mon cousin MARCEL obtempéra immédiatement, répondant à cette demande impérative, mais qui donnait satisfaction à un brave homme qui n'avait jamais connu une telle richesse : avoir une voiture... devant chez lui et qui appartenait à quelqu'un de sa famille. A chacun sa fierté!!!... Ce jour-là, la brave ALINE avait ouvert la porte du petit placard placé derrière le beau poêle en faïence. Avec précaution, elle avait sorti les petits verres à pied, puis le flacon de liqueur de sa fabrication : du Blanc-Bouillon, que tout le monde appréciait.  


 "- Te n'vas pas prendre du sirop de bonne femme, MARCEL. Te vas faire comme moé: une petit' goutte!"

Et d'autorité, la mirabelle fut sortie.  Sacré NICOLAS !
 
C'était dans les années 1950. Cette année-là, l'hiver s'était montré rigoureux, plus que d'habitude. Le brave NICOLAS, moins résistant que lorsqu'il était jeune, avait attrapé une mauvaise grippe. L'ALINE "était aux cent coups"(5). Inquiéte à juste titre, puisque le NICOLAS était si mal fichu qu'il était resté au lit une partie de la journée. En cachette, elle fait appeler le Docteur SEGALL, du village voisin. Surprise du malade à la visite à domicile du praticien :
  "- J'ai jamais vu de toubib depuis le Conseil de révision! Alors!..."

Auscultation, diagnostique, traitement: 
  "- Vous allez faire chambre à part pour ne pas refiler votre grippe à votre ALINE.
  "- Jamais d'la vie. J'ai tojo eu ma fôme avo mi, c'name astour que j'vas changer ! (6)
  "- Et puis je vais vous donner un bon sirop. Restez bien au chaud et au bout de huit jours, ça doit aller mieux.
  "- Bon, pour le sirop, passe enco', mais pour le reste, faut pas trop y compter!"
  Consciente de son rôle d'épouse et de soignante, la bonne ALINE veille à l'observation scrupuleuse de la prise de sirop...
  Le flacon de sirop "miraculeux" voisinait dans le petit placard derrière le poêle en faïence juste à côté de la bouteille de mirabelle. Il a beau être qualifié par le docteur de "bon sirop", le NICOLAS n'apprécie pas son goût qu'il trouve amer !
Alors à sa manière , il s'est soigné :                                                                                      "- Allez, c'est l'moment d'prendre le sirop là!". Il prend la cuillère de potion et hop, il recrache vite le sirop sur le plancher. Rien de tel, à son avis, que de prendre une goutte de mirabelle à la place!
Et pour les traces par terre ?
  "- Voyez ALINE, vol enco le peûh katz-lé qu'avo enco pissé ici. Ah! La manre bête !" (7) Innocent, et pour cause, le chat ronronne près du poêle en faïence. Et notre malade s'en est sorti de sa grippe!

  Sacré NICOLAS, va!...
             
                                                                          Jean SPAITE
   NOTES:
  (1) -RABOUROU : Nom masculin- patois lorrain. Le laboureur.
  (2) -Le GRAND JOURNAL  : Lieu-dit communal.
  (3) -La COOPETTE  : La Coopérative (U.C.L.-Union des Coopérateurs de Lorraine).
  (4) -Sainte SCHOLASTIQUE : Soeur de St BENOIT, née à NURSIE(v.480-547). Elle fonda un monastère de femmes près du mont CASSIN. Sa fête était le 10 Février.
  (5) -L'ALINE  " était aux cent coups". Expression lorraine : Inquiétude maximum.
  (6) -"J'ai tojo eu ma fôme avo mi c'name astour que j'vas changer". Lorrain : J'ai toujours eu ma femme avec moi, ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer.
  (7) - "Voyez ALINE, vol enco le peûh katz-lé qu'avo enco pissé ici. Ah! La manre bête!". Lorrain : Vous voyez , ALINE, voilà encore le vilain chat-là qui avait encore pissé ici. Ah! La mauvaise bête! 

      Préçisons: Le portrait de NICOLAS concerne Nicolas MANONVILLER de FREMENIL (1875-1956)
     
Article écrit par Jean SPAITE et publié dans La REVUE LORRAINE POPULAIRE Octobre 2003 N° 174


jeudi 30 octobre 2008

11Novembre 1918 - 11 Novembre 2008 : 90 ANS DEJA

Pour cet anniversaire, où les témoins directs sont hélas disparus, il nous a semblé interessant de marquer l'évênement par la présentation d'un mini album-souvenir de photos de soldats de la guerre 14-18. Ces photos proviennent de collections de familles et, soit ont été prises à FREMENIL ou dans la région, soit représentent des habitants de FREMENIL mobilisés lors de ce conflit.
Que ce coup de projecteur sur une période sanglante qui a duré 4 longues années nous éclaire sur ces évênements qui se sont déroulés CHEZ NOUS, en Lorraine, et sur ces hommes qui ont été confrontés à tous les dangers, le front étant tout prés de notre village : à BLEMEREY, VEHO, REILLON, LEINTREY....
On peut consulter sur le présent site, à la rubrique Histoire, l'article "A nos morts"  rédigé en juillet 2006 (où l'on relate une cérémonie du 11 novembre), mais également l'article "Morts pour la France 1914-1918" rédigé le 7/9/2008. Y sont rappelés les 8 habitants de FREMENIL morts pour la FRANCE au cours de la 1ère guerre mondiale figurant au monument aux morts,
à savoir :
1 - BENOIT Jean-Louis (1914)
2 - GERBE Charles, Julien (1914) (30 ans)
3 - BALLANT Paul, Joseph, Eugène (1914) (28 ans)
4 - ANTOINE Eugêne, Léon (1914) (34 ans)
5 - HENRY Paul,Arthur (4/08/1915) (28 ans)
6 - BENOIT Louis, Charles, Edmont (1916) (33 ans)
7 - BENOIT Jean-Baptiste, Hubert, Henri (1914) (29 ans)
8 - CHATON Joseph (1916) (43 ans )

En visitant le cimetiére de FREMENIL nous avons relevé les tombes de :
- BENOIT Louis, mort pour la FRANCE le 5/2/1916, à l'âge de 33 ans ( figurant au monument aux morts )
- BENOIT Pierre, Eugêne, mort pour la FRANCE le 8/2/1916,à l'âge de 30 ans.
Pour ce dernier, on peut s'interroger pourquoi cet enfant de FREMENIL ne figure pas sur le monument communal.
Poursuivant notre visite, nous notons la présence des tombes suivantes :
- JOUBERT Emile, 2° classe, 10° Batterie du 8° Régiment d'Artillerie, tué à FREMENIL le 6 Juillet 1915.
Originaire de PARIS (Seine), sa famille a tenu à ce qu'il soit inhumé à FREMENIL
. - TROMBERT Vital (et non VIDAL), sergent au 230° Régiment d'Infanterie, décédé le 15 Juillet 1915 à REILLON.
Originaire d'EVIAN les BAINS (Haute-Savoie), sa famille a tenu à ce qu'il soit inhumé à FREMENIL où il était en cantonnement.
Ces deux tombes ont fait l'objet d'une reprise de concession perpétuelle par l'association "Le Souvenir Français". Que cette association soit remerçiée pour son action exemplaire de sauvegarde et de mémoire.
- MEILLAT Pierre, sergent au 35° Régiment d' Infanterie,mort pour la FRANCE en 1918 à l'âge de 40 ans.

Pour tous ces soldats victimes de la 1° guerre mondiale qui a pris fin il y a 90 ans déja, ayons une pensée émue.

- "Un peu d'histoire à partir d'une carte postale de Fréménil" (toujours sur notre site, article enregistré en Mai 2006) nous replonge dans cette période du 1° conflit mondial, au milieu des soldats.

- Au sujet de ce premier conflit, savez-vous que le séjour bien involontaire de ces hommes venus des quatre coins de la FRANCE a permis des rencontres avec de jeunes Fréméniloises concrétisées par des mariages :
- Antoine EVEILLER, originaire de la région Lyonnaise s'est marié à FREMENIL avec Marie-Augustine VILLEMAN.
- Charles SPAITE, mon père, originaire de la Franche-Comté s'est marié à FREMENIL avec Marcelle MANONVILLER.
Ainsi va la vie.....

- Dans cette période de la 1° guerre mondiale, n'oublions pas d'évoquer des personnages qui ont marqué la vie de notre petite commune :
- Le sergent LECLERC du 37° Régiment d'Infanterie (Territoriaux) d'AUXERRE a assuré la fonction d'instituteur militaire et de secrétaire de la mairie à partir de 1914. Beaucoup d'enfants de FREMENIL lui doivent d'avoir bénéficié de ses cours, puisque l'instituteur en poste, Monsieur BALLAND avait été mobilisé dès la déclaration de la guerre.
- Le Commandant LAMY du même Régiment, décide la numérotation des maisons de la Commune de maniére a faciliter la distribution du courrier par les vaguemestres. Cette mesure, abandonnée après 1918, a été reprise un demi-siécle plus tard, traduisant son efficacité. (voir l'article Histoire rédigé en 2006 "Les numéros des maisons")
- Parmi les Commandants responsables du Cantonnement Fréménilois, rappelons un personnage exeptionnel de bravoure et d'humanité qui a laissé un souvenir durable dans la population civile qui l'a connu : le Capitaine Charles FERRACCI, natif de CORSE, Capitaine-Commandant au 22° Régiment d'Artillerie Coloniale, Chevalier de la Légion d'Honneur, décoré de la Croix de Guerre, des Médailles Coloniales et du Maroc, huit fois cité à l'ordre du jour, sacré Caporal Honoraire du 43° de Ligne, tombé glorieusement pour la FRANCE à MOREUIL (Somme) le 8 Aout 1918 à l'âge de 36 ans.

A l'occasion du 90° Anniversaire de l'Armistice de la Guerre 14-18, souvenons-nous et, pour beaucoup d' habitants actuels, découvrons ces personnages aujourd'hui disparus mais qui ont vécu à cette époque dans notre petite commune.

Datant de cette période, des ouvrages fortifiés subsistent en notre commune sous la forme de blockhaus :
- A l'ouest du village, sur la route de DOMJEVIN C.D.19A, l'ouvrage est en bon état de conservation.
- A l'est du village, près du cimetiére un ouvrage identique est envahi par la végétation dans un état de négligence totale.
Ces deux vestiges de la guerre 14-18 mériteraient pourtant une mise en valeur. (toujours sur notre site, voir la rubrique "Monuments", Mars 2006)
-Autre trace qui disparait : le petit TACOT. Un réseau ferré militaire en voie de 0,60m type DECAUVILLE avait été installé depuis MENIL-FLIN à proximité de la ligne voie normale de la Compagnie de l'EST de LUNEVILLE à SAINT-DIE, où des voies d'échanges étaient prévues pour les chargements, la ligne traversait complétement la Forêt de MONDON où l'on peut encore retrouver le tracé (quelque peu abimé par la tempête de décembre 1999). Aprés le franchissement de la R.N.4 (PARIS-STRASBOURG) prés du lieu-dit "La Baraque", elle poursuivait vers le Nord. A proximité de la gare L.B.B., voie métrique, de DOMJEVIN, la ligne DECAUVILLE se séparait en deux parties :
-1° partie : Une voie partait direction NORD vers DOMJEVIN, le long du C.D.19, se séparait à l'entrée du village pour aller à l'OUEST vers l'hopital souterrain (au-delà de la Croix du Centre) d'une part, et, contournant le village, la ligne suivant le ruisseau de CHAZAL pour se terminer au-delà de N.D. de la BONNE FONTAINE, d'autre part, pour desservir les "lignes", les tranchées situées dans la zône de VEHO.
-2° partie : A la bifurcation, à proximité de la gare L.B.B. de DOMJEVIN, la voie de 0,60 s'orientait à l'EST vers FREMENIL. Elle contournait le village par le NORD le long du ruisseau "la VERDURETTE" qu'elle traversait par une passerelle. Un embranchement permettait la desserte de la "Carriére du Cimetiére". La voie continuait vers le NORD, à travers la prairie, direction BLEMEREY, traversait la VEZOUZE par une passerelle (dont on retrouve aujourd'hui les culées en béton). Elle poursuivait jusqu'à VEHO, traversant un tunnel (plus exactement une tranchée couverte, aujourd'hui nivelée), pour desservir "les lignes" de la zône de REILLON, LEINTREY.
Les petites locomotives DECAUVILLE ou PECHOT-BOURDON emmenaient leurs convois de ravitaillement (nourriture et munitions) ainsi que de transports de troupes, assurant vaillement un service précieux et efficace.
Ainsi cette étoile ferroviaire peu connue d'un parcours total de 25 km. constituait un important réseau ferré voie de 0,60m éphémére.
A l'issue du conflit, ce sont des convois de wagonnets de sable et de gravier des carriéres de FREMENIL qui permirent la reconstruction des villages détruits de BLEMEREY, VEHO, REILLON, LEINTREY.

L'histoire de la 1° guerre mondiale est ecrite aussi dans ces faits qui méritent d'être évoqués.
Cette HISTOIRE qui s'est déroulé dans NOTRE PAYS LORRAIN ne doit pas sombrer dans l'oubli, même aprés 90 ans passés-----

J.S. Octobre 2008



A droite Henri BENOIT (1886-1960), en compagnie de son épouse Maria BENOIT, née HEFTER (1880-1950).
Photo prise à Fréménil devant le café au cours d'une permission d'Henri.
Il était mobilisé au régiment de chasseurs de Saint Nicolas de Port.


Le "pinard" de l'intendance, servi dans les "quarts" réglementaires, non loin du "bidon",
présenté pour la postérité par, à gauche René HENRY (1893-1975), à droite Paul VOINOT (1890-1955)


 Notice nécrologique de Charles FERRACCI

Notice nécrologique de Charles FERRACCI


Charles FERRACCI

Voici 15 soldats posant près d'un passage à niveau sur une voie ferrée de la région.
On notera la mitrailleuse et ses servants (à gauche)
ainsi que le vaguemestre et sa bicyclette (à droite)

Georges BENOIT (1891-19??)

Mars 1918
Derrière chez Lucien CARMENTRE, le poste de TSF du régiment d'artillerie. Il s'agit d'un émetteur-récepteur. L'antenne était tendue entre le sapin (*) situé dans la propriété de Mlle.MENGIN
et l'arrière de la maison de Lucien CARMENTRE. A gauche, Georges LECQUES de Nouméa (Nouvelle-Calédonie), A droite, Charles SPAITE
(*) Une plateforme d'observation était également installée dans ce sapin.

 
Mars 1918
Devant la grange de Lucien CARMENTRE, un groupe d'artilleurs en pleine bricole.


1918
Un poste de radio devant une "cagna", peut être dans la forêt de Parroy


1918
C'est avec ces pièces que les troupes françaises tiraient sur l'ennemi.

 
 Assis, à gauche, Hubert HENRY (1895-1970) blessé à l'oeil durant la guerre 14-18, debout à droite, René HENRY (1893-1975)


En 1914, à la Baraque, voici une photo d'un groupe de soldats (dont le soldat Denis KALECHE, debout devant) savourant une pause bien méritée.

lundi 15 septembre 2008

Le père Denis (1891-1958)

Si vous interrogez un habitant du village qui a connu celui dont nous allons relater ( partiellement !!! ) la vie en posant cette question : " Vous souvenez-vous du Père DENIS ? ", vous avez droit inévitablement à cette réponse : "Le Père DENIS, mais bien sûr, avec ses grandes moustaches !.." Et oui, le détail physique qui caractérisait le personnage, c'était "ses moustaches".
De son vrai nom Désiré, Nicolas DENIS, il était né le 27 Juin 1891 à ANCERVILLER (54). Il avait fait la guerre de 14-18 et en était sorti avec le grade d'adjudant. La Paix enfin revenue, il fallait remettre en état les villages de la zone des combats. FREMENIL avait son église bien abîmée et notamment le plafond de sa nef complètement détruit. Nicolas DENIS, qui devait avoir une trentaine d'années à cette époque, exerçait alors le métier de plâtrier, a donc travaillé à la reconstruction du plafond de l'église et s'est acquitté de sa tâche par un travail impeccable. A côté de l'église, il y avait une petite maison (disparue aujourd'hui) où demeurait avec sa mère, Alice CONTAL. Le plâtrier compétent s'est marié avec la jeune Fréméniloise en 1924. Le jeune couple décide de se fixer à FREMENIL et ils devinrent parents de deux garçons : Louis et Jean.

Nicolas DENIS savait faire beaucoup de choses de ses mains : en plus du plâtre, il travaillait le bois comme menuisier-charpentier. Couvrir un toit entrait dans ses compétences et à l'occasion, il faisait de la maçonnerie. Comme tout le monde, à la campagne, il élevait des poules et des lapins, mais il était le seul à l'époque, à élever une paire de chèvres et un bouc. Un petit jardin, mais aussi une cheneviére convertie en potager lui assuraient les légumes pour la table familiale. Le train de vie qu'il menait était modeste mais il savait s'en contenter, agrémentant les menus quotidiens des récoltes gratuites de champignons, d'escargots, de mûres dont sa femme Alice faisait des confitures. Nicolas DENIS était un des rares habitants de la contrée a manger du hérisson! Comme les Manouches, les gens du voyage, avec qui il n'hésitait pas à parler !

Bien vite, il s'était laissé pousser les moustaches dont il savait se faire un ornement en retournant les pointes extrêmes. Cet aspect physique de moustachu l'avait fait entrer de bonne heure dans le rôle des personnages pittoresques, mais aussi doté d'une certaine sagesse. Il était devenu "Le père DENIS" et son avis sur bien des choses ne laissait pas indifférent.

S'il faisait son étape quotidienne au café du village, c'était pour un casse-croûte fait de pain, d'un morceau de lard ou de saucisse les jours fastes, ou de deux morceaux de sucre, voir rien les jours maigres. Mais toujours devant une chopine de vin rouge, ce vin dont il maculait sa belle moustache à chaque lampée et qu'il essuyait posément du revers de sa main. Il en profitait pour lire gratuitement le journal et, de ce fait, se tenait au courant des événements. Plus tard, quand il aura la chance d'avoir un poste de radio ( vers 1950 environ ) il prendra plaisir à écouter une émission sur l'histoire intitulée "La radio était là "faisant revivre des événements historiques. Il en parlait souvent.

Très patriote, le Père DENIS évoquait la grande guerre d'où il était rentré fort heureusement intact, en dépit des combats, avec le grade d'adjudant. Il se tenait prêt pour la suivante : Il avait sa "cantine "prête avec les habits militaires et surtout un sabre assez long qu'il exhibait à certaines occasions !!

Au cours de la 2° guerre mondiale, il reprit tout naturellement du service dans le groupe local de résistance, sous les ordres de Julien MALGRAS ; A leur actif on peut mettre des déraillements de trains militaires provoqués par des déboulonnages de rails sur la ligne PARIS - STRASBOURG (à EMBERMENIL et à LANEUVEVILLE aux BOIS ) de même que la mise en place des planches à clous sur la RN4 prés de la Forêt de MONDON aux passages des convois allemands dans la zone de "la BARAQUE ". Avec Gaston CARMENTRE, autre membre actif du groupe local de résistance, le Père DENIS récupère un side-car allemand qu'ils vont cacher dans le grenier de Julien MALGRAS le 5 septembre 1944. L'évacuation de pilotes de la RAF et de l' USAF tombés dans la région fait partie des actions du même groupe.

Le 3 Octobre 1944, les Allemands ordonnent l'évacuation de la population de FREMENIL tout d'abord vers HERBEVILLER, puis DOMEVRE et BLAMONT. Au cours de cette période, ils vont subir de nombreux bombardements et vivre dans des conditions difficiles et dangereuses. Le 18 Novembre 1944, les Américains libèrent BLAMONT,et les évacués de FREMENIL peuvent enfin retourner dans leurs maisons qu'ils vont trouver dévastées par les hordes soldatesques.
Le Père DENIS fait partie des premiers Fréménilois retrouvant leurs pénates. Dés lors il se met au travail pour redonner un minimum d'habitabilité à sa maison. Mais on retrouve chez lui son esprit de charité pour son prochain. Malgré sa modeste condition, il sait donner un coup de main, aider les personnes en difficulté. Chez les personnes âgées, il remet en état les fenêtres dont les vitres cassées laissent passer le froid, n'oublions pas qu' en cette fin Novembre 1944, la température est basse. Nous sommes en période de pénurie, on ne trouve plus de vitre, il masque les vides par des cartons. Bien des toitures sont abimées et il pleut! Il faut parer au plus pressé et le brave Père DENIS passe à l'action : remplacer les tuiles défaillantes sur la partie habitable. A sa manière, bien simplement, il se met au service de son prochain. Et nous retrouvons-là le trait de caractère de cet homme qui n'a qu'un but : l'efficacité.

Un dernier tableau : C'était pendant les années 1940. Une pauvre femme venait de mourir. La veuve MONTCOLLOT vivait avec un compagnon sans être mariée. Et ce couple de fait n'avait que peu de moyens. La Commune accepte un enterrement au cimetière, mais ne peut faire plus. Le Père DENIS intervient. Il fabrique lui-même le cercueil le plus simple qu'il soit. Il effectue la mise en bière. Il creuse "le trou" au cimetière et, sans aucun cérémonial, il assure avec l'infortuné et malheureux survivant l'enterrement.
Quand on mesure le chagrin que comporte le départ d'un être cher, quand on voit le geste généreux du Père DENIS dans un contexte fait d'indifférence, d'égoïsme... voire de mépris, on ne peut que dire à ce brave homme : CHAPEAU, Père DENIS, Vous nous avez donné-là une belle leçon.....

Le Père DENIS est décédé le 9 Février 1958 à FREMENIL à 67 ans. Une vie modeste certes, mais empreinte de charité, de générosité de coeur, de patriotisme.

FREMENIL peut être fière d'un habitant qui a su à sa manière, servir son Pays, rendre service autour de lui.



J.S Septembre 2008

dimanche 7 septembre 2008

Lucien CARMENTRE (1886-1982 )


Bien sûr, ce n'était pas un gros cultivateur (il avait 2 vaches, 2 porcs, des poules et des lapins...) mais il produisait du blé, de l'orge, du foin, de la pomme de terre et des betteraves. Comme tout le monde ici, il faisait son jardin, son verger. Mais il était aussi :
  • Apiculteur (il avait une vingtaine de ruches)
  • Vigneron récoltant (il réalisait un honnête vin de table)
  • Vannier (il produisait son osier et le travaillait pour faire des paniers, des bonges, des charpagnes...)
  • Coiffeur-Barbier (sa clientèle locale venait le voir le samedi en fin d'aprés-midi et le dimanche matin avant la messe !!!)
  • Infirmier (il savait soigner bien des maux, les blessures et a souvent tenu, avec réussite, le rôle de "sage-femme"...)
  • Garde-Champêtre
  • Garde-Pêche
  • Appariteur (il arpentait les rues du village avec son tambour pour annoncer les avis officiels)
  • Tueur de cochons (il savait débiter la bête comme un vrai boucher et traîter la cochonaille au maximum de rentabilité. (Il est vrai que dans le cochon, tout est bon !! )
  • Sonneur de cloches (il s'était révélé, au cours des ans, un trés bon carillonneur. On reconnaissait ses mélodies dans les villages environnants : "Tiens, ça, c'est "le Lucien "qui sonne!!")
  • Sacristain (il aidait Monsieur le curé, et, pendant de longues années, c'était lui, "le Lucien", qui préparait le pain béni dans "des paniettes" sur la tablette de la fenêtre de la sacristie. C'était le temps du pain béni...)
  • Maçon (monter un mur ne lui faisait pas peur, réparer un toit ou même remettre en état les culées du pont du chemin du cimetiére (dans les années 1934-1935) entrait aussi dans ses compétences.)
  • Fossoyeur et croque-mort (dans les derniers moments d'un être humain, on faisait appel "au Lucien". Il savait habiller un mort, le préparer pour la veillée funèbre, quelque fois même il a réalisé le cercueil,e t il s'occupait de "faire le trou" au cimetiére.)
  • C'était aussi un amateur de champignons et un pêcheur averti.

En voila des métiers, et pour lesquels, en ces temps-là, on n'exigeait pas de C.A.P. Ce qui comptait, c'était d'être utile.
Lucien joseph CARMENTRE etait né le 24 Septembre 1886 à Fréménil il est décédé le 11 Juin 1982 à Lunéville à l'àge de 96 ans.
Durant la derniére guerre, injustement dénoncé, il fut interné à la prison Charles III à Nancy pour détention d'armes. Toujours prêt à rendre service, le village lui doit beaucoup.

La photo illustrant l'article date de 1964

J S Aout 2008

Madeleine HOURDIAU (1898-1996)


Madeleine HOURDIAU, c'était la mémoire du village.

Elle connaissait tous les évênements ,tous les habitants ,elle retraçait de mémoire la généalogie de tel ou telle personne du village. Les parentées dans les villages voisins ne lui étaient pas inconnues. Jusqu'à un âge avancé, elle avait souvenir de tout ce qui s'était passé et vous le restituait avec exactitude. Oui, "la Madeleine" méritait bien son titre de "Mémoire du village".

J'ai souvenance d'une rencontre avec "la Madeleine" dans le cimetiére communal. Elle était en train de nettoyer une tombe qui n'était pas de sa famille. "Mais voyons, tous ceux qui sont ici, je les ai connus, je leur parle. Pour moi ils sont vivants, alors faut entretenir leur tombe parce qu'ici, ils n'ont plus de descendant pour le faire ,Nem !!"

Une autre fois, je lui demandais ses souvenirs de la guerre de 14. Que d'évocations : les noms des soldats, leurs régions d'origine, leurs régiments. Elle était intarissable.

Le bombardement du fort de Manonviller par les Allemands, elle le faisait revivre avec émotion. C'était le mardi 25 Août 1914 le matin vers 9 heures 30. Le bombardement se déchaîne et dure une grande partie de la journée. Les obus sifflaient au-dessus de la prairie et ont les entendait exploser sur le fort. Mais c'est surtout le lendemain mercredi 26 Août depuis 4 heures 30 du matin que les gros canons situés à Avricourt, écrasent le fort sous un pilonnement de gros obus toutes les 5 minutes. Ce jour-là son père, Charles HOURDIAU (1853-1932), sort de sa maison pour voir le passage dans le ciel des gros obus qui filent en sifflant violemment. A ce moment son voisin d'en face, Camille MANONVILLER (1864-1945), avec qui il était pourtant en froid (elle ne se souvient même plus pour quelle raison !!!!) l'appelle et lui dit : "Charles, viens avec moi dans l'grenier, te verras mieux j'crois bien qu'c'est la fin du monde!!" De fait, tous les deux regardent par la lucarne du grenier et ils voient avec stupeur le rougeoiement permanent qui marque le fort et ils voient l'arrivée de chaque obus allemand de 420.

Ca n'a pas été la fin du monde, mais le lendemain jeudi 27,le fort de Manonviller dans l'aprés-midi hissait le drapeau blanc et se rendait à l'ennemi. Et ce jour-là, le Camille et le Charles se sont réconciliés devant l'absurdité des guerres, quelles qu'elles soient. Quelle belle leçon pour Camille le cultivateur et pour Charles le vannier qui assurait aussi les fonctions de chantre à l'église.

Madeleine HOURDIAU en fidéle paroissienne a toujours assuré la propreté et la décoration florale de l'église tant qu'elle a pu le faire. Pour équilibrer son budget, elle qui vivait chichement, elle travaillait dans son jardin lui assurant des légumes, élevait quelques lapins, et aussi brodait des mouchoirs ainsi que des perles. Elle reste pour ceux qui l'ont connue "la mémoire du village" revivant passionnément les évênements et les personnages. Madeleine HOURDIAU était née le 5 Février 1898 à Fréménil, elle est décédée le 14 Décembre 1996 à Blâmont à l' âge de 98 ans.

Il est dit en Afrique que quand une personne âgée meurt, c'est une bibliothéque qui brüle.

Cet adage peut s'appliquer à Madeleine HOURDIAU, elle qui savait tant de choses sur l'histoire de son village.

La photo illustrant cet article a été prise le 24.03.1991 : Elle montre de G à D Julien Bardot, Madeleine Hourdiau et Nicolas Ledig

J S Aout 2008

Georges DURAND (1891-1964)


Sa silhouette faisait partie du village. Eternellement coiffé d'une casquette plus trés fraiche, il allait avec son seau "chercher de l'eau" à la borne-fontaine communale installée prés de chez lui,à côté du vieux puits banal. "Il n'avait pas l'eau sur sa pierre à eau" chez lui. Il a vécu trés longtemps avec sa maman :la Marie DALANCONTE. Ici ,les femmes mariées gardaient souvent leur nom de jeune fille dans les conversations locales. Comme bien des habitants du lieu, notre Georges avait pour profession : Vannier. Il faisait des panniers et pelait "ses soles " ! Un jardin lui procurait des légumes. Mais il était aussi :
  • Sonneur de cloches (c'est lui qui sonnait les Angélus matin, midi,et soir, puisque notre "moutier"( le clocher) n'était pas électrifié à l'époque )
  • Il assurait le rôle de chantre à l'église. En ce temps-là , il y avait non seulement la messe du dimanche, mais également les vêpres l'aprés-midi que notre Georges chantait tout seul, sans le curé appelé à d'autres offices. L'assistance était peut-être réduite, mais " le Georges "était là toujours fidéle à son poste .
  • Il souffrait d'une jambe qui rendait sa démarche traînante. Mais cela ne l'empêchait pas de bêcher les jardins des personnes qui avaient besoin de lui.
  • Fossoyeur occasionnel ,il assurait aussi cette fonction .
Quand "la Marie DALANCONTE" s'en est allée ,célibataire qu'il était, il s'est retrouvé encore plus seul. Il a continué ses métiers de vannier, sonneur de cloches et chantre ,mais de moins en moins fossoyeur. Son modeste costume du dimanche n'ayant plus d'âge depuis longtemps, et dont il ne voulait pour rien au monde changer, avait fait l'objet d'une réflexion dans le monde paroissial : "On ne peut pas laisser le Georges comme ça ! Faut faire qu'equ' chose!!" Inattendue, la solution fut trouvée par Monsieur le Curé : "On va faire une collecte et on va lui acheter une blouse grise, pour cacher ses trop vieux habits." Ce qui fût fait ,et notre Georges devint un chantre beaucoup plus présentable, même si sa voix quelque peu éraillée (le verre de vin étant la cause!) continuait de psalmodier les cantiques.

Brave homme, gentil... à sa maniére, le Georges a rendu service au village.

Quand notre chantre a rendu le dernier soupir, à 73 ans ,on n'a pas pu lui trouver de successeur....

J S Aout 2008

Morts pour la France (1914-1918)

MORTS POUR LA FRANCE

Les enfants de FREMENIL,morts pour la France au cours de la 2° guerre mondiale (1939-1945) a fait l'objet d'un article dont la parution est de 2006. Après bien des recherches nous pouvons faire paraître aujourd'hui un rapport sur les morts de la 1°guerre mondiale dont 8 noms figurent sur le monument aux morts. Ce rapport comporte des lacunes. L'absence de renseignement s'explique par le nombre d'annèes qui nous sépare de' ce conflit ,par la disparition des témoins de cette époque , mais également par le manque de renseignement administratif .Peut-être quelques lecteurs de ce site, apparenté aux victimes se sentiront concernés et pourront fournir des renseignements complémentaires (dates,situation de famille,profession,renseigements militaires,photos) qui seront les bienvenus. D'avance merçi pour cette collaboration éventuelle qui est toujours appréciée.

Ceci est d'autant plus vrai pour le 1° nom figurant sur le monument:

  1. BENOIT Jean louis, décédé en 1914 Nous n'avons pas trouvé d'autres renseignements.
  2. Pour les suivants :
  3. GERBE Charles Julien ,né le 17/11/1884 à Fréménil, écédé le 10/09/1914 à Vitry le François (Marne) 30 ans -Chasseur de 2°classe-17° Bataillon de Chasseur Alpin.
  4. BALLAND Paul Joseph Eugêne ,né le 21/11/1886 à Emberménil, décédé le 19/09/1914 à Suippes (Marne) 28 ans marié à Flin (Meurthe et Moselle) le 23/09/1912 à Marie POIROT de Flin. Profession: Instituteur à Fréménil depuis 1912,nous avons la chance de le présenter en photo prise à Fréménil au milieu de ses éléves en 1912. -Sergent -17° Bataillon de Chasseur Alpin.
  5. ANTOINE Eugéne Léon , né le 28/03/1880 à Fréménil, décédé le 25/10/1914 à Gerche de Bretagne. 34 ans marié à Crion à Mélanie MARCHAL. - Chasseur de 2° classe- 17° Bataillon de Chasseur Alpin.
  6. HENRY Paul Arthur , né le 11/06/1887 à Blémerey, décédé le 04/08/1915 à l'hôpital de Gérardmer (Vosges ) (suite à blessure de guerre) 28 ans griévement blessé au combat du LINGE (Front des VOSGES) marié à Alice GLAUDEL née le 10/05/1891 à Fréménil, décédée le 20/12/1985 à Lunéville.
    2 fils : Roger et René (mort en déportation)
    Chasseur de 2°classe au 120 ème Bataillon de chasseur à Pied. (N° maticule 838 Classe 1905)
  7. BENOIT Louis Charles Edouard ,né le 29/O4/1883 à Fréménil, décédé le 05/O2/1916 à Minaucourt (Marne) 33 ans marié à Ogéviller le 02/12/1909 à Marie Louise TISSERANT (1884-1951 ) -(pas de renseignement militaire )
  8. BENOIT Jean-Baptiste Hubert Henri , né le O5/05/1885 à Fréménil, décédé le 20/08/1914 à Saint Léon (Alsace Lorraine) 29 ans célibataire -Chasseur de 2° classe -17° Bataillon de Chasseur Alpin.(matricule n°05950_classe 1905)
  9. CHATON Joseph, né le 09/08/1873 à Domjevin ,décédé le01/09/1916 à Nancy à l'hopital Villemin. 43 ans marié à Marie Léonie BUSSELOT née le 27/07/1877 à Fréménil - Fantassin de 2° classe - 41° Régiment Territorial d' Infanterie.
Voici donc ces 8 habitants de FREMENIL, morts à la guerre 1914-1918 figurant sur le monument aux morts de la commune. Pour qu'ils ne sombrent dans l'oubli, ayons une pensée pour ces victimes qui font partie de l'histoire de notre village.

             Ceux qui pieusement , sont morts pour la patrie,
Ont droit qu'à leur cercueil, la foule vienne et prie.
(Victor HUGO )

dimanche 25 novembre 2007

Morts pour la France (1939-1945)

  • Le monument aux morts de Fréménil a été érigé après la 1ere guerre mondiale et concrétise le voeu de la paroisse de Fréménil du 17 mars 1918.
    Il annonce 8 morts pour la guerre 1914-1918 et 11 morts pour le conflit 1939-1945.
    Evoquons la 2eme guerre mondiale en nous attachant plus spécialement à la seconde liste.
  • ADAM Henri 1942
    ADAM Pierre 1944
    CROUZIER Albert 1944
    OTTON Camille 1944
    HENRY René 1944
    THIERY Fernand 1945
    THIERY René 1944
    THIERY André 1945
    HEFTER Charles 1945
    BUSSELOT Marcel 1945
    DELONNOY André 1945
    Cet énoncé laconique donne peu d'information sur ces habitants de Fréménil qui ont perdu la vie pendant la deuxième guerre mondiale. Qui étaient-ils ?
    Pour en savoir plus, arrêtons-nous sur ce sui suit :
  1. ADAM Henri (8.3.1911-11.3.1942)
    Cultivateur, célibataire, habitait chez ses parents au 21, Grande Rue
    Fait prisonnier en 1940, il est décédé pendant son séjour dans un camp à Heiningère.

    MORT EN CAPTIVITE, à 31 ans

  2. ADAM Pierre (10.4.1921-4.10.1944)

    Cultivateur, célibataire, habitait chez ses parents au 13, Rue de la Prairie
    Dans sa grange, à Fréménil, au cours du bombardement du 1.10.1944, il est grièvement blessé par un éclat d'obus dans le dos qui atteint le poumon. Le 3.10.1944, les Allemands ordonnent l'évacuation du village sur Herbéviller. Le transport sur un chariot à travers la prairie est éprouvant dans son état, provoquant une hémorragie. Il meurt le 4 octobre 1944. Enterré provisoirement à Herbéviller, il sera ramené au cimetière de Fréménil par la suite.

    VICTIME CIVILE, à 23 ans


  3. CROUZIER Albert (19.5.1870-22.11.1944)
    Vannier, marié à Maria Busselot, demeurait au 42, Grande Rue
    Pris dans l'incendie d'une ferme à Harbouey, au cours de l'évacuation du village, il décéde 9 jours après René Thiery (7)

    VICTIME CIVILE, à 74 ans

  4. OTTON Camille (7.7.1881 à Domjevin-2.12.1944)
    Retraité, marié, habitait dans une maison aujourd'hui démolie, voisine du 46, Grande Rue, côté Domjevin
    Saute sur une mine à Fréménil, devant sa femme, au cours d'une cueillette de pissenlits au Rouard jardin. Gravement blessé, il décédera à l'hôpital de Lunéville.

    VICTIME CIVILE, à 63 ans

  5. HENRY René (29.11.1914-1944)

    Cultivateur, Célibataire, habitait avec sa mère au 17, Grande Rue
    Il avait été exempté du service militaire pour mauvaise vue. Il fût arrêté par les allemands alors qu'il tentait de rejoindre les américains. Il est mort en déportation. Voir aussi les notes en (10) (11)

    MORT EN DEPORTATION, à 30 ans













  6. Avec 3 victimes, le père et 2 fils, la famille THIERY a été particulièrement éprouvée :
  7. THIERY Fernand (4.11.1897-19.3.1945)
    Cultivateur, père de 8 enfants, habitait au 32, Grande Rue

    Avec son fils André (8), il saute sur une mine au cours d'un labour à la charrue, au lieu-dit "Le Palon". Il est tué sur le coup, avec son cheval.

    VICTIME CIVILE, à 48 ans

  8. THIERY René (23.9.1930-13.11.1944)

    Demeurant chez ses parents au 32, Grande Rue
    Il meurt étouffé, dans l'incendie d'une ferme à Harbouey, au cours de l'évacuation du village. (cf 3)

    VICTIME CIVILE, à 14 ans

  9. THIERY André (9.12.1928-19.3.1945)

    Demeurant chez ses parents au 32, Grande Rue
    Avec son père, Fernand (6), il saute sur une mine au cours d'un labour à la charrue, au Palon. Une jambe sectionnée, il décéde le même jour.

    VICTIME CIVILE, à 17 ans

  10. HEFTER Charles (20.11.1870-1.3.1945)

    Cultivateur, Vannier, marié à Marie Adam, père de 2 enfants, il demeurait 12, Rue de la Prairie
    Il saute sur une mine, près du gué, au lieu-dit "Le Breuil", alors qu'il cherchait des pissenlits.

    VICTIME CIVILE, à 74 ans

  11. BUSSELOT Marcel (8.12.1920-1945)

    Cultivateur, célibataire, habitait chez ses parents dans la maison (aujourd'hui démolie) située entre le 5bis et le 6, Rue de la Prairie

    MORT EN DEPORTATION, à 25 ans

  12. DELONNOY André (13.5.1926-1945)

    Sans profession, célibataire, il habitait chez ses parents au 11, Rue de la Prairie

    MORT EN DEPORTATION, à 19 ans

Notes pour les (5),(10) et (11)
  • Le 6 octobre 1944, en voulant passer les lignes aux ponts de Domjevin, Marcel Busselot, René Henry et André Delonnoy qui ont l'intention de rejoindre les américains à Bénaménil, se font arrêter par les allemands. Ils n'ont pas de papiers d'identité sur eux. Emmenés à Saint-Martin, enfermés dans une cave, puis à Cirey sur Vezouze, ils sont ensuite dirigés sur l'allemagne, au camp de concentration de Dachau où ils arrivent le 21.10.1944.
  • Le 24.11.1944, René Henry et André Delonnoy quittent Dachau pour Auschwitz où ils arrivent le 28.11.1944. On perd alors leur trace et ils ont disparus, comme tant d'autres, dans ce camp de la mort entre fin 1944 et 1945.
  • Marcel Busselot envoyé au commando de Augsburg-Haunstetten pour des travaux de terrassement y décédera d'épuisement dans la même période.
Ayons une pensée pour ces martyrs...
Cet article a été rédigé par Jean SPAITE le 20.11.2007

mercredi 31 mai 2006

Marie Colin (1861-1949)


Qu'est-ce que Vol'tolé ? Vol'Colin!
  • C'est ainsi que bien souvent Marie Colin faisait son entrée. De petite taille, vêtue de noir, un visage ridé comme une pomme reinette qui vient de passer deux hivers, un fichu noir sur la tête en semaine, ou coiffée d'un indescriptible "chépé" noir le dimanche, Marie Colin nous posait un problème quand nous étions jeunes : Jamais nous n'avons pu concevoir qu'elle avait été une petite fille un jour et puis aussi une jeune fille! C'était hors de notre compréhension.
  • Elle demeurait là où est situé le 14 de la grande rue à Fréménil (54), partie Est, puisque cette maison a été constituée dans les années 1980 par la réunion de deux petites maisons de manouvriers.
  • Sur sa tombe au cimetiere communal, on peut lire : Marie COLIN épouse CHATEL 1861-1949. C'est à 88 ans que s' éteignait une humble fréméniloise dont toute la vie a été marquée par le travail et qui a rendu service a toute la commune.
  • Son pere, Michel Colin (1826-1893), mort a 67 ans, était un pauvre manouvrier, travaillant a droite et à gauche chez les laboureurs qui voulaient bien de lui. Sa mère, Rosalie Adam, dite Zélie, (1828-1915) morte à 87 ans, acceptait tous les travaux pour faire bouillir la marmite : lessive, repassage, raccommodage, etc., sans oublier le jardinage.
  • En 1880, à 19 ans, elle épouse Joseph Chatel tout en restant chez ses parents ( ?). Situation peu ordinaire, vous en conviendrez ! Son mariage sera de courte durée. Au bout de six mois "Le joseph" quitte Fréménil pour Paris où il va trouver une place de cocher de fiacre. Pendant cette période parisienne, il limite ses relations avec Marie Colin à quelques lettres communes avec ses parents : "Ma chère femme, Cher Père et Chère Mère". Curieuse conception d'un couple. Il revient a Fréménil mais reste chez ses parents qui habitent "au Faubourg". En mauvaise santé, il meurt non sans avoir reçu une derniere visite de "sa femme". De cette union, il n'y aura pas de descendance!
  • Marie Colin, confrontée aux dures difficultés de la vie, doit y faire face et, suivant l'exemple de sa mère, elle fera son chemin dans la lessive, le repassage, mais elle devient rapidement habile dans la couture. Elle sait tres bien confectionner des chemises pour homme a partir des coupons de tissus qu'on lui apportait, de même que les pantalons de velours très prisés à l'époque.
  • Quand son pere meurt, elle a 32 ans et sa mère "la Zélie", 65 ans. Les deux femmes vont s'épauler pour faire face au destin, poursuivant leurs durs labeurs. Elles cultivent le petit bout de jardin situé derrière leur maison (partie Est de la maison de M. et Mme Jean-Paul B. 14 Grand-Rue) mais également leur champ " du Paturau" (lieu-dit "les Paturaux" puis les Patureaux-Son A) qu'elle appelait "la Ribotte", ainsi que leur petit verger "des Goths" (sur le chemin de Buriville, a l'angle du sentier du Haut des Meix, Son B parcelle n° 187 Lieu- dit "le Haut des Meix"). Quelques pommiers, mirabelliers, des framboisiers et groseilliers constituent l'essentiel de leur patrimoine. Au moment des travaux agricoles, la Zélie et la Marie Colin traversaient le village poussant devant elles une antique et bruyante carriole d'enfants haute sur 4 roues en fer à rayons dont la caisse fatiguée avait fait place a un coffre sommairement latté où s'entassaient les outils de jardinage et les paniers.
  • A l'aube de la Belle époque, elle a 39 ans et sa mère 72 ans. Pour les deux femmes, les robes a froufrou et le french-cancan sont d'un monde très loin d' elles.
  • Pour famille, Marie Colin avait deux cousines ( Mesdemoiselles Lebrun) habitant Lorquin en Moselle. Elles écrivaient de temps en temps et ce lien épistolaire la remplissait de fierté, pauvre Marie qui n'avait que cette seule manifestation familiale. Quand, après la guerre de 1914 les cousines de Lorquin sont venues la voir a Fréménil, elles ont vu la petite maison de manouvrier de Marie Colin. Apres avoir franchi la porte d'entrée peinte en blanc où la chatière découpée dans le bas laissait passer le bon vieux matou ainsi que les deux poules qui constituaient tout son cheptel, les deux cousines ont pris l' étroit couloir peint à la chaux, tournant à gauche elles ont vu la petite cuisine borgne, éclairée seulement par la porte vitrée du "poêle" qui donne sur la rue. Une "pierre a eau" en grès sans évacuation et sans eau - il fallait aller chercher l'eau au puits en face - une vieille cuisinière, un buffet, une table meublaient la piece plongée dans la pénombre. La belle pièce, c'était le " poêle" où le tic-tac de la pendule à contrepoids donnait un fond musical ponctué par les sonneries du temps qui passe. Une table ronde au centre, un lit de coin avec un "plumon" rouge, un crucifix a bénitier en "tête de lit" à droite de la petite fenêtre dont les persiennes à lamelles étaient grandes ouvertes pour donner plus de lumière. A gauche, il y avait la belle machine à coudre Singer orgueil de la couturiere! Et puis, trônant pas loin du lit, il y avait un vieux fauteuil Voltaire recouvert de dentelle où Marie Colin aimait se reposer.

  • Le poêle en faïence avec la porte de son four en "cuivre jaune" bien astiquée était le meuble important qui valait le nom de la piece. Sur le mur de la cuisine, il y avait des placards remplis de choses dont les feuilletons reliés ( provenant de l'Est Républicain et de l'Éclair de l'Est), et des livres qui constituaient la bibliotheque de Marie Colin. Et puis, je me souviens, sur une étagere, il y avait un "Bachus" à cheval sur un tonneau en Saint-Clément qui avait servi dans le temps de réserve de "goutte" ou de quelque liqueur. Une suspension à pétrole descendait du plafond bas. Les murs étaient recouverts d' un papier peint a rayures verticales. Un calendrier des postes et une ou deux gravures illustraient les murs. Il y avait bien sûr une pièce derrière la cuisine et, en allant vers "les derrières", des remises ou s' entassaient des tas de choses recouvertes de poussières et de toiles d' araignées où Marie Colin allait peu et déconseillait à ses visiteurs d'en faire la découverte : c' était son "reculaurüm" (dixit) qui s'apparentait a un capharnaüm.
  • En 1914, avec la guerre, Marie Colin va connaître. une activité débordante. Elle a 53 ans. Fréménil se trouve être le premier village sur le front de Lorraine (zone de Vezouze) a conserver sa population alors que toute la rive droite de la rivière avait été évacuée de ses habitants. C'est ainsi que Domjevin, Blémerey, Saint-Martin, vides de leurs populations, étaient sous la garde des seuls militaires français. La troupe comprenant le danger que courrait la population civile qui s'accrochait a ses pauvres biens, essayait de compenser cette situation par des actions sociales. Des "cuisines" étaient installées dans certaines maisons du village. Comprenez qu'il s'agissait de " roulantes"! Et les "cuistots" des roulantes se montraient généreux pour ces civils : puisqu'ils partageaient leurs dangers, ils partageraient aussi leurs repas. Les militaires cantonnant dans le village étaient devenus familiers des civils : on se réconfortait mutuellement, on faisait la connaissance de braves gens venus de l'autre bout de la France pour défendre le pays. Des amitiés se nouaient, et, quand un jour, l'ordre tombait de monter a l'attaque du côté de Reillon, de Vého ou de Leintrey, le village angoissé entendait le tonnerre de l' artillerie si proche, la fusillade et les hurlements de l'attaque, la bataille qui n'en finissait pas, les lueurs des incendies dans le ciel. Et quand meurtris, rompus par la fatigue et l'horreur des combats, les régiments redescendaient des lignes, les civils de Fréménil comptaient, eux aussi, les manquants. Que de jeunesse fauchée, combien de fils, de fiancés, d'époux, de pères de famille s'en sont allés ainsi en ces années de guerre...
  • Au service de ces braves qui défendaient la patrie, Marie Colin propose ses talents de couturière. C'était inespéré pour ces hommes dont la plupart ne savaient pas manier une aiguille! Que de boutons recousus, de poches rapiécées, d'accrocs réparés. Car il faut préciser que l'intendance était tres économe des uniformes militaires. Dame, on ne remplaçait pas une chemise ou un pantalon à la légère! Une spécialité de Marie Colin était la confection des calots, ces célebres calots à deux pointes, qui comme tout le reste, s'usaient, se perdaient, se salissaient. Coudre, recoudre, couper, c'était la condition de Marie Colin. Une autre production de notre Marie la Couturiere, pour étonnante qu'elle soit dans ces moments tragiques, c'était "Nénette et Rintintin". Avec des morceaux de laines de couleurs, elle faisait deux petits pantins d'une dizaine de centimètres de hauteur, bras et jambes écartées, des noeuds marquant la tête, le corps et les membres. Ces ornements futiles faisaient la joie des soldats qui n'hésitaient pas à en envoyer à leur famille, messages d'amour de la part de ceux qui faisaient la guerre en Lorraine.
  • En 1915, sa mere "la Zélie" meurt à 87 ans. Voici notre Marie toute seule dans la tourmente. Comme d'habitude, elle va faire face en poursuivant ses activités de couturière. En cette période de guerre, tous ces travaux lui vaudront rémunérations modestes mais qui lui suffiront à survivre.
  • La guerre finie, Marie Colin travaille dur. La couturière de Fréménil a du pain sur la planche pour satisfaire tout le monde, tant au village que dans les villages voisins. L'économie reprend. Il faut bien s'habiller et on n'a encore pas pris l'habitude de se fournir "en confection". Alors elle fait des pantalons, des chemises, des vestes pour homme, des robes, des tabliers, des corsages, des manteaux pour femme. C'est a cette époque qu'elle fait l' acquisition d'une machine a coudre Singer. Quelle légitime fierté que ce témoignage du progrès. Il fallait la voir pédaler pour actionner la courroie de cuir qui faisait tourner la machine dans un "tac-a-tac" triomphant!
  • A propos de chemises, mesurons l'habileté de Marie Colin la Couturière qui honorera une série de commandes : toute seule, elle arrivait à produire quatre chemises d'hommes par jour. Levée avec le soleil, sa première chemise était terminée a 8 heures du matin! Saluons le travail et la rapidité d' exécution comprenant la coupe, l'assemblage, le façonnage du col, des poignets et des boutonnières. Bravo Marie! Avec des chutes de tissus elle fabrique des "patins", chaussons simples et pratiques. Elle va aussi broder des draps, des taies d' oreillers, des mouchoirs, des nappes, pour Madame Alice Manonviller, entrepreneur de broderie blanche a Fréménil. Le Pere Denis, son voisin, avait recours a ses talents pour lui faire réaliser des pantalons de velours dont le tissu provenait des usines Bechmann d'Ogéviller. Pour lui, plâtrier de son état, qui allait sur les chantiers ainsi que pour son fils, le Louis, Marie Colin fabriquait des chemises molletonnées presque inusables. En échange de quoi, il lui faisait son bois pour l'hiver. Pas d'échange d'argent : Cette époque était encore marquée par le troc.
  • Mais toute cette vie active, que d' aucun trouve-ront bien banale était émaillée par des moments de bonheur. Elle aimait les enfants des autres puisqu' elle n'en avait pas. Animée d'une grande foi, elle fréquentait l'église, disait son chapelet et essayait de vivre son temps terrestre en accord avec son catéchisme. Son visage, ridé de bonne heure, savait s'éclairer pour une histoire d'amour. Qu'untel "fréquente" une telle dans le village et notre Marie Colin était contente pour ce roman qui s' annonçait. Romantique, elle l'était, car elle appréciait les livres. Delly, Max du Veuzit, étaient des auteurs qui la comblaient d'aise car, au moins là, tout finissait bien : "Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants". Et puis c' était souvent une fille pauvre qui rencontrait un beau jeune homme riche, et cela faisait rêver notre Marie Colin. En ce temps-la, on lisait "Les Veillées des Chaumières", les feuilletons des journaux l'Est Républicain, La Croix de l'Est, L'Éclair, Le Pelerin, La Croix (de Paris). Découpés et reliés par un gros fil, ces feuilletons constituaient une bibliotheque que l'on se passait de l'un à l' autre en donnant son appréciation. Le roman qui lui avait laissé un souvenir impérissable, c'était "Patrie perdue" dont l'action se situait en Alsace- Lorraine prise par les Allemands après la défaite de 1870. Pour se tenir au courant de la mode, elle était friande du "Petit Écho de la Mode", "Mon Ouvrage" , "Mode de Paris" qu'on lui prêtait.
  • Elle n'était pas une cuisinière émérite mais aimait encore bien les douceurs. Dans le domaine de la pâtisserie, elle réalisait souvent un "Tôt-fait" qui, comme son nom l'indique devait être rapidement exécuté. Mais que de fois n' était-elle pas à la recherche de la " saprée recette du Tôt-fait" qu'elle avait égarée ! Des moments de bonheur, Marie Colin en trouvait aussi dans les couarails et les veillées. Je me souviens d'elle quand elle venait chez ma grand-mère en plein hiver. La tête couverte d'un fichu noir, une pèlerine sur les épaules, engoncée dans un vieux manteau noir, elle arrivait chargée comme un mulet avec une lanterne et son cabas à rabat contenant son ouvrage de couture ou de tricot. Souvent, je l'ai vue arriver avec son "covah", sa chaufferette pour réchauffer ses pieds trop souvent froids. En dernier, ma grand-mère lui préparait elle-même une chaufferette avec des braises bien chaudes pour qu'elle n'ait pas le souci de ce chargement supplémentaire dans son déménagement. Elle aimait ses veillées ou elle pouvait parler du temps passé, de la guerre de 14, elle citait les noms des soldats, de ceux qui étaient partis pour ne plus jamais revenir; pour elle, tous ces événements étaient proches, elle les revivait à l'instant. Et puis, il ne se passait pas de veillées sans que notre Marie ne chante une chanson. Je l' entends encore chanter de sa voix un peu chevrotante mais encore juste " Froufrou" ou 'La Madelon", mais celle qu'elle aimait bien c'était celle qui racontait à un enfant l'épopée de Son père aviateur pendant la guerre, mort au champ d'honneur :
    "Il est parti sur un nuage, tout là-haut, bien haut Dans les cieux, en disant surtout soit bien sage, Je m'en vais tout prêt du Bon Dieu!".
  • Une autre de ses prouesses vocales était "la chanson des départements". Sous la forme d'une comptine, elle récitait, comme une litanie chantée, les départements de la France avec les chefs-lieux et les sous-préfectures. Véritable exercice de mémoire qu'elle réalisait comme un "chef" !
  • Avec l'âge, Marie Colin perdait ses facultés. Elle devenait "sourde comme un pot" obligeant ses interlocuteurs a crier pour se faire entendre. Sa vue s'en allait aussi et les lunettes équipées de verres gros comme des loupes étaient insuffisantes et ne lui permettaient plus d'exercer ses talents de couturiere et de brodeuse. Elle qui vivait déja chichement était contrainte a de nouvelles économies. Ma grand-mère essayait autant que faire se peut d' améliorer son ordinaire et lui préparait quelques soupes et autres mets plus consistants. Certains dimanches, elle avait droit a un dessert tel que le clafoutis, le savarin ou le baba au rhum qu'elle aimait. Elle ne manquait pas le lendemain de remercier encore et, pour souligner l'excellence de la pâtisserie, elle avait enrichi le vocabu- laire lorrain d'une appellation toute personnelle : "Mon Dieu, le Bibon le Savarin de dimanche, Alice! Mon Dieu, le Bibon!" du préfixe Bi : deux fois et Bon - donc deux fois bon ; quel critère de qualité!
  • Pauvre Marie Colin dont toute sa vie ne fût que travail et sacrifice pour arriver a joindre les deux bouts, à une époque qui ignorait l'allocation vieillesse. Mais sa force fût sa simplicité et sa bonne humeur qui lui permit de traverser les vicissitudes de la vie. Voilà le portrait d'une vie... d'une vie bien simple... Et pourtant dans sa simplicité notre personnage a servi ses contemporains. Chaque individu a une place dans ce monde. Marie Colin, en son temps, a tenu la sienne a sa manière, avec courage, en dépit des difficultés...
Article écrit par Jean Spaite et publié dans la Revue Lorraine Populaire de décembre 1998, No.145

dimanche 28 mai 2006

Mademoiselle Anna MENGIN (1857-1948)

Mengin1.jpg
  • Du vieux clocher de Fréménil, la sonnerie de l'angélus s'envolait sur le village, portant son harmonie sur tout le finage (1) et même au-delà dans les paroisses voisines de Domjevin et de Blémerey qui s'éveillaient à leur tour. Bien peu de personnes savaient que la plus grosse cloche de la trilogie habitant le motet (2) avait pour nom de baptême "Marie-Élisabeth" du nom de sa marraine Marie Elisabeth Anna Mengin, son parrain était Jean Joseph Félix Adam, et c'est en 1896 que la cérémonie de baptême et d'installation de la jeune baptisée avait eu lieu dans le clocher paroissial. Depuis, au gré du temps qui passe et des événements, tristes ou joyeux, elle avait assuré son service de sonner angélus, messes, tocsins ou carillons. Elle faisait partie intégrante de la vie du village, rythmant ponctuellement les activités journalières.
    Mais qui était donc Marie Élisabeth Anna Mengin, sa marraine ?
  • Marie Elisabeth Anna Mengin avait 39 ans lors du baptême de la cloche qui portait son nom. En cette même année 1896, elle devait perdre son père François Nicolas Camille Mengin, âgé de 64 ans, fermier aisé qui vivait de ses rentes et qui avait été maire de la commune de 1870 à 1896. Héritière d'une vieille famille fréméniloise, elle avait vu le jour dans le pays de sa mère Marie Barbe Élisabeth Gérard, à Ancerviller le 23 mai 1857. L'accouchement auprès de la mère de la parturiente était une chose courante en ce temps-là. Son arrière grand-père Nicolas Mengin (1773-1854), maire de Fréménil de 1820 à 1829, avait fait bâtir la ferme qui était la base de cette famille de propriétaires agricoles et qui avait valu sa prospérité. Aujourd'hui encore, on remarque au linteau de la porte d'entrée de cette ferme (sise 9 Grande-Rue) l' inscription :
    18 NMG ♥♥ MTA 22

    qui signifie Nicolas Mengin - Marie-Thérèse Aubry avec datation de la construction 1822.
  • En face de cette ferme (16 Grande-Rue), une belle construction cossue avec un parc attenant était la propriété où résidaient François Nicolas Camille Mengin, son épouse Marie Barbe Elisabeth et sa fille Anna. Une belle grille en fer forgé en limitait l'entrée, cependant que toute la propriété était ceinturée de murs de maçonnerie de deux mètres de haut. Bien des personnes du village et des environs surnommaient la propriété "le château". Il est vrai que la demeure avait fière allure, tranchant avec les autres constructions du village, beaucoup plus modestes, avec ses deux marronniers majestueux flanquant son entrée et un sapin de plus de 12 mètres de hauteur dans le parc jardin voisin.
  • De sa prime enfance,, nous ne disposons que de peu de renseignements. Marie Élisabeth Anna Mengin a bénéficié d'un environnement familial aisé et plein d' attention pour l'enfant unique qu'elle était. Éducation rigide, enseignement particulier par des professeurs privés, pratique musicale, notamment du piano, et travaux de broderie et crochet lui furent prodigués par sa famille. Marie Elisabeth Anna Mengin avait 13 ans lors de la guerre de 1870. Elle a 43 ans en 1900 à la Belle Epoque et 48 ans au décès de sa mère survenu en 1905. Célibataire, répondant à une fière tradition d'une famille aisée et bien pensante, " Mademoiselle Mengin" était respectée par tous. Son esprit de charité l'orientait vers les personnes en difficultés que l'on qualifierait aujourd'hui "d'économiquement faibles". Son esprit religieux la faisait fidèle aux cérémonies paroissiales. Elle avait sa chaise réservée au fond de l'église près des fonts baptismaux, ce qui traduisait là sa modestie, accompagnée de sa fidèle Servante Émilienne Villeman. Aider la paroisse était dans son programme de vie et sa générosité se manifestait par des dons directs au curé en poste, des achats les plus divers. Ne lui doit-on pas l'harmonium qui constitue une première dans les villages environnants, les nombreuses statues : Sacré Coeur, Vierge Marie, Sainte Thérèse, les linges d'autel, les personnages de la crèche de Noël. Le lustre d'éclairage en cristal de Baccarat plein de "pendeloques" ( sorte de larmes qui pendaient sous chaque bougeoir) et terminé par une belle boule également en cristal, faisait partie de ses acquisitions pour l' embellissement de l'église. Ce luminaire d'exception a été définitivement endommagé en octobre 1944 pendant l'évacuation du village et l'occupation par les troupes allemandes puis alliées.
  • Qui ne se souvient de la distribution des oeufs de Pâques à l'issue de la cérémonie du jour ? Ah, quel heureux jour pour les enfants du village : "La Demoiselle" s'installait sur sa chaise à la porte de l'église sous les cloches et procédait elle-même à la distribution. Ces oeufs en sucre, finement décorés faisaient la fierté des gosses que nous étions, nos yeux brillaient de convoitise gourmande. La "Demoiselle" éprouvait une joie bien légitime à faire plaisir aux autres qui compensait sa solitude, elle qui n' avait pas d'enfant... Et là-haut, dans le clocher, les cloches, sa cloche, sonnaient, carillonnaient, sous la frappe experte de Lucien Carmentré.
  • Son dévouement pour les autres, on le retrouve dans la venue d'une "chère soeur" à Fréménil qu'elle obtint de la Congrégation des Soeurs de Saint Charles de Nancy. Ce sera Soeur Sabine qui sera affectée à la lourde tâche de faire le catéchisme, enseigner la couture et les conseils ménagers. La gent féminine du lieu doit beaucoup à cet enseignement précieux et gratuit, à une époque où l'on ne parlait pas de Service Social. La Soeur était logée et nourrie aux frais de " la Demoiselle".
  • En 1914, le canon gronde, elle a 57 ans.
  • "Le château" est réquisitionné pour abriter un commandement militaire. Les officiers apprécient cette vaste maison qui constitue un havre de paix relative à deux pas du front. Rappelons que le front de Lorraine s'est stabilisé pendant près de quatre longues années sur les hauteurs dominantes de la vallée de la Vezouze. Tous les villages situés sur la rive droite du cours d' eau furent évacués : Manonviller, Domjevin, Blémerey, Saint-Martin. Les lieux des combats avaient pour noms : Forêt de Parroy, Emberménil, Leintrey, Vého, Reillon. Le magnifique sapin situé dans le jardin allait constituer un observatoire de premier choix et une platetforme planchéiée avait été aménagée dans ses branchages ainsi qu'une antenne reliée au poste de radio (la TSF), émetteur récepteur sis dans les arrières de la Maison Carmentré (actuellement n° 7 Grande-Rue).
  • La période de paix de 1918 à 1939 se traduit par un calme reposant après l' épreuve de la 1ère Guerre mondiale. Le pays panse ses plaies, reconstruit les maisons détruites. Le "château" est l'objet d'un entretien suivi, cependant que jardin et parc sont confiés aux mains expertes d'un jardinier. Toujours dévouée, "La Demoiselle" n'hésite pas à assurer la formation musicale de quelques élèves et le "château" résonne des notes hésitantes mais cent fois répétées du "gai laboureur" sur le piano du lieu. La pratique religieuse permet la réalisation de magnifiques reposoirs lors de la célébration de la Fête-Dieu et celui situé devant la "Maison de la Demoiselle" rivalise avec ceux du reste du village.
  • 1938 voit des manoeuvres militaires dans notre village. La vie étant un éternel recommencement, une batterie d'artillerie stationne sur le terre-plein devant la maison de Mademoiselle Mengin avec quatre pièces de 105 dont les grosses roues sont équipées de palettes qui se veulent tout terrain.
  • 1939, voici de nouveau la guerre. Mademoiselle Mengin a déjà 82 ans. Les hommes sont mobilisés, "la Demoiselle" n'hésite pas à se mobiliser aussi. Chaque soldat du village va recevoir un colis confectionné avec beaucoup d' amour. Le rude hiver 1939-1940 sera l'occasion d'apprécier les passe-montagnes, les cache-col, les chaussettes et les gants tricotés par ses soins. Elle incite d'autres bonnes volontés à suivre son exemple, se chargeant des colis et des expéditions. Et 1940 voit la débâcle et les prisonniers dans les camps. "La Demoiselle" poursuit inlassablement son travail de fourmi charitable envers les prisonniers et leurs familles.
  • Quatre années de guerre vont passer. "La Demoiselle" subit cette épreuve sachant qu'il y a plus malheureux qu'elle sur terre : les gens des villes qui ont tant de mal à se nourrir, les prisonniers, ses chers prisonniers pour lesquels elle pense et prie... Les soldats sur tous les fronts...
  • Les combats précédant la libération du territoire se rapprochent et le front se stabilise depuis septembre 1944. Nous sommes en pleine bataille de Lorraine qui fait suite à la bataille de Dompaire dans les Vosges qui avait vu les chars de la 2` DB du Général Leclerc s'attaquer aux Panzers allemands. Les "Panthers" rescapés de cette bataille regroupés sur la vallée de la Vezouze, les forêts de Mondon et de Parroy décident une contre-attaque sur Lunéville. La 3ème Armée US du Général Patton et ses chars "Sherman" sortira victorieuse de cette bataille qui aura pour conséquences de nombreux dégâts au nord-est de Lunéville (zone d'Arracourt, Bures, Lezey, Réchicourt).
  • Les autorités allemandes décrètent l'évacuation de toute la population située dans cette zone à dater du 3 octobre 1944. Mademoiselle Mengin fait partie des évacués. Elle part avec sa fidèle servante sur le chariot de son fermier René Henry et les siens. Quelle épreuve pour une femme de 87 ans, étrangère aux campements de fortune, aux risques des bombardements et des mitraillages, à la rudesse des soldats allemands. Ils font étape à Herbéviller, Domévre, Blâmont. Ils logent dans les granges, dans les caves, et rarement dans un vrai lit. Enfin, le 18 novembre 1944, Blâmont est libérée par la 79° Division d' Infanterie US. Quelle joie pour tous, mais tous n'ont qu'une hâte : rentrer chez soi ! La rentrée sera effective le 24 novembre 1944. Quel spectacle de désolation de voir sa maison spoliée, livrée aux courants d'air, des trous d' obus et des flaques d' eau partout, plus d'électricité... Un grand nettoyage s' impose ! Et heureux qui peut encore s'abriter sous un toit, même percé par endroit !... Avec courage, " La Demoiselle" surmonte une fois de plus cette épreuve. Après avoir fait mettre hors d'eau "son château", consciente que les habitants du village n'ont plus qu'une église fortement endommagée, aux vitraux totalement détruits, où l'on ne peut plus célébrer la messe, elle fait aménager à ses frais une chapelle provisoire dans son grenier. La vie reprend peu à peu son cours. C'est l'époque de la reconstruction et de l'espoir en une paix durable enfin retrouvée. Fatiguée par une vie où elle s'est mise toujours au service des autres, "la Demoiselle" s'éteint le 20 novembre 1948 à 14 heures pour un repos mérité à l' âge de 91 ans. Il y a de cela un demi-siècle... Nous garderons d'elle le souvenir d'une personne charitable, empreinte d'une certaine noblesse, qui a marqué à sa façon son passage sur terre.
  • Sur le tombeau familial au cimetière de Fréménil, aucune marque particulière sur les personnages qui y sont enterrés. Puissent ces quelques lignes apporter la preuve que "la Demoiselle" a fait du bien lors de son passage ici-bas. Écoutez... la grosse cloche de l'église pense comme nous...
  • Encore une preuve de son action charitable : la donation perpétuelle que Mlle Mengin a fait à l'hôpital de Blâmont pour réserver un lit destiné à accueillir un malade de Fréménil, hébergement gratuit. Depuis cette donation, de nombreux Fréménilois ont bénéficié de ce service. Discrétion, mais efficacité... Merci " La Demoiselle"...
NOTES
  • (1) Finage : n.m. Territoire relevant de la juridiction d'un seigneur. Par extension, territoire communal paroissial.
  • (2) Motet : n.m. Église (de moustier : monastère).

Cet article a été rédigé par Jean SPAITE et publié dans la Revue Lorraine Populaire d'avril 1999, No.147
Photo de Lucien Carmentré ajoutée le 25.08.08

dimanche 14 mai 2006

Un peu d'histoire à partir d'une carte postale de Fréménil

Voici une petite leçon d'histoire à partir d'une carte postale de Fréménil,
1ere guerre mondiale 1914-1918...

  • Cette carte postale représentant la vue extérieure de l'église côté escalier, encadrée de deux maronniers a été éditée par Mr.BASTIEN libraire, éditeur à Lunéville, en 1906. Elle porte l'inscription "Fréménil - Vue intérieure" en sa partie supérieure.
    Mr.BASTIEN a eu le mérite de parcourir le Lunévillois, fixant pour la postérité des clichés révélateurs d'une époque aujourd'hui bien lointaine. Cent ans déjà !... Pour les fréménilois connaisseurs, elle présente de gauche à droite les personnages çi-après :
    • Alice GLAUDEL
    • Henri BENOIT
    • Julia VOINOT
    • Lisa GASCART
    • Louis (ou René) ADAM (en arrière plan)
    • Rose GASCART
    Tous reposent maintenant en paix au cimetière communal.
  • La particularité de cette carte est la suivante : c'est la carte postale que l'on retrouve le plus souvent, concernant le village, dans les brocantes, chez les spécialistes cartophiles, à l'autre bout de la France !...
    Une dame, collectionneuse de cartes postales de Fréménil, m'avouait avoir déniché cette vue dans un marché de la carte postale en Ardéche après l'avoir vainement cherché dans les salons régionaux. C'était il y a déjà quelques années. Depuis, les spécialistes réassortissent leurs produits en fonction des régions d'origine de façon à optimiser leurs ventes.
  • Il y a une explication à cela :
    La carte a été éditée en 1906.
    On pouvait la trouver à l'époque à Lunéville chez son éditeur, Mr.BASTIEN, mais également et surtout à Fréménil chez Mr.HEFTER qui tenait le seul café du village, faisant fonction d'auberge, bureau de tabac et petite épicerie. Il avait donc acheté un stock de cartes postales, pour avoir un prix compétitif, mais aussi dans l'espoir que ce mode d'échange de courrier, "la carte postale", serait une formule d'avenir. Dans les années suivantes on trouvera d'autres clichés réalisés par différents photographes-éditeurs concernant différents aspects du village.
  • Arrive 1914 et la première guerre mondiale. Le 3 août 1914, la guerre est déclarée à l'Allemagne. La région lorraine, située à la frontière de l'empire germanique qui, après la défaite de 1870, avait absorbé nos provinces d'Alsace et Moselle, voit arriver une bonne partie de l'Armée française sur ses terres pour en assurer la défense. Comme toutes les communes de France, Fréménil verra la mobilisation de ses enfants dont beaucoup sont morts pour le Pays. Dès le début des hostilités, les populations de la rive droite de la Vezouze sont évacuées vers l'intérieur (région de Gerbéviller, Vallée de la Mortagne). Si Manonviller, Domjevin, Blémerey, Vého sont desertés, Fréménil en revanche conserve ses habitants qui connaissent l'offensive française du mois d'août suivie de la retraite devant la contre-offensive ennemie, elle-même limitée à la trouée de Charmes puis repoussée enfin sur un front qui stagnera durant tout le reste de la guerre. Bien que figé, ce front restera actif, causant de nombreux morts de part et d'autre que l'on retrouve aujourd'hui au cimetière militaire de Reillon.
    Fréménil se trouve juste à la limite des zones de combat qui ont pour noms : Blémerey, Reillon, Vého, Leintrey, Emberménil. C'est le "premier village de l'arrière" où les troupes peuvent se reposer un peu avant de repartir au combat. C'est le village où l'on trouvera pas moins de "cinq roulantes" pour approvisionner les soldats, tant sur place que "à l'avant" grâce à une noria d'équipes "de marmites et de bouteillons" assurant la nourriture de ces hommes qui en ont bien besoin. Ce sont les "corvées de la soupe" indispensables et qui avaient pour origine, à ce moment, notre petit village.
    Sur place il y aura un petit hôpital de campagne sous la forme de trois "barraques ADRIAN" situées à l'intérieur du village (Angle Grande Rue, chemin de la Maxèle). Fréménil pour les soldats, c'est le repos; c'est une population qui soutient, qui aide, qui considère comme ses fils tous ces petits gars qui viennent de toute la France dans une région inconnue par eux. Et ils le disent chez eux, dans leurs lettres à leurs parents, à leurs amis, à leur payse, à leur promise ... Ils envoient des cartes postales pour montrer où ils sont. "Ici les gens sont gentils avec nous. Il fait bon avec eux". Voici les messages dans les lettres, au dos des cartes postales de Fréménil. La plus vendue est bien la carte représentant l'église, témoignage d'une certaine sérénité de ses habitants, symbole de la paix d'avant le conflit.
  • Nous avons pu retrouver les noms de certains régiments stationnés à Fréménil. Ils permettent de situer la destination des messages envoyés par les soldats de la première guerre, qualifiée souvent de "la grande guerre" tant elle a été dure et trop longue pour tous :
    • 14eme Dragons de Saint Etienne
    • 19eme Dragons de Castres
    • 28eme Dragons de Dijon
    • 10eme d'Infanterie d'Auxonne
    • 75eme d'Infanterie de Romans
    • 27eme d'Infanterie de Dijon
    • 1ere Cycliste de Limoges
    • 15eme Chasseurs à Cheval de Vienne
    • 11eme Hussards de Tarascon
    • 7eme Chasseurs alpins de Draguignan
    • 138eme d'Infanterie de Bruyères
    • 139eme d'Infanterie d'Epinal
    • 348eme d'Infanterie de Saint-Dié
    • 257eme d'Infanterie de Lyon
    • 221eme d'Infanterie de Langres
    • 138eme d'Infanterie de Lyon
    • 217eme d'Infanterie de Gap
    • 335eme d'Infanterie d'Angers
    • 333eme d'Infanterie de Belley
    • 8eme d'Artillerie de Lunéville
    • 34eme d'Artillerie de Lyon
    • 37eme Territorial d'Auxerre
    • 11eme Territorial d'Auxerre
    • 168eme d'Infanterie de Toul
    • 4eme Génie de Grenoble
    • 10eme Génie de Grenoble
    • 14eme d'Artillerie de Tarbes
    • 21eme d'Artillerie d'Angoulême
    • 167eme d'Infanterie de Toul
    • 85eme Territorial de Cosme
    • 16eme Chasseurs à pied de Lille
    • 8eme Chasseurs à pied d'Amiens
    Liste non limitative
    Période 1914-1915-1916
  • N'oublions pas que les habitants de Fréménil, du premier village de l'arrière, qui accueillaient ces troupes, les considéraient avec amitié, assistaient aussi à leur départ à l'attaque. Après un rassemblement le soir, distribution de "gniole" pour être courageux au combat, c'est le départ en silence, la traversée de la prairie, de la Vezouze, la montée vers Blémerey et depuis le village où déjà les larmes coulaient sur les visages, on pouvait voir les feux d'artifice des fusées, on entendait les longs hurlements des attaquants qui se ruaient les uns vers les autres, couverts par les coups de feu continus, les rafales de la mitraille et les salves des canons. Après des heures qui n'en finissaient pas, c'était les premières nouvelles !
    Les mauvaises nouvelles souvent.
    Tel ou tel brave garçon ne reverrait plus son pays. Il était mort au combat. Et souvent l'officier de la compagnie, chargé de transmettre la mauvaise nouvelle à la famille, demandait à la famille fréméniloise qui l'avait hébergé, connu et l'avait accueilli en ami, d'envoyer également un courrier pour soutenir cette famille dans le chagrin. Mais quel bonheur d'apprendre que les autres s'en sont sortis, blessés peut-être, mais vivants.
    De ces rencontres humaines hors du commun sont nées des amitiés entre les gars du Midi, de l'Aquitaine, du Lyonnais... et des Lorrains et des Lorraines. Des mariages sont même nés de cette guerre
  • Une simple carte postale de Fréménil, achetée ici, au village, écrite pendant la guerre 14-18 par un soldat venu de l'autre bout de la France pour défendre son Pays. Il parle des gens d'ici qui sont gentils. Quel beau message de générosité et de fraternité dans un monde bouleversé.
    C'était il y a plus de 90 ans. Puisse ce message être toujours répété au fil des années qui passent...
Cette page d'histoire est le fruit de récits, de confidences, souvent répétées par mes parents et mes grands-parents témoins de cette douloureuse période. Qu'à travers la Carte Postale nos poilus de 14-18 ne soient jamais oubliés.

Article rédigé par Jean SPAITE en mai 2006

Les numéros des maisons

Quoi de plus courant que la numérotation de nos maisons. Cela permet de situer l'habitation, le lieu où habitent les gens de notre village. Facilité pour le facteur de distribuer les messages, les lettres, les colis. Tout cela nous semble normal. Pourtant ce n'est qu'en 1967/1968 que la numérotation de notre village a été appliquée. Nouveauté, Progrès ?...
Il faut remonter 1/2 siècle en arrière pour retrouver une numérotation des lieux décidée par l'Armée.
Auparavant, les courriers étaient moins nombreux que de nos jours, on se contentait de libeller le destinataire sous la forme :
Mr.X suivi du prénom
à Fréménil, Département de Meurthe-et-Moselle
Pour l'acheminement postal, il y a eu : Fréménil par Bénaménil, puis Fréménil par Ogéviller, en fonction des dispositions administratives ! Mais à l'intérieur du village, il fallait bien que le facteur fasse appel à sa connaissance des habitants pour acheminer la bonne lettre à la bonne personne. car non seulement ils étaient nombreux, les HENRY, les BENOIT, les MANONVILLER ou les VOINOT, mais il fallait retrouver le bon René, Louis-Nicolas ou Joseph; et je ne vous parle pas des veuves... Cette difficulté de distribution postale liée à l'absence de numérotation des immeubles n'a pas échappé à l'Armée française qui, en ce secteur de combat, était en contact étroit avec la population. Certes, l'acheminement du courrier des militaires faisait l'objet du service des vaguemestres à l'intérieur d'un secteur postal, mais l'administration militaire s'étant substituée à l'administration civile, décision fût prise de numéroter les maisons.

En 1914, Monsieur Paul BALAND, instituteur à Fréménil depuis 1912, est mobilisé et part sur le front. L'administration militaire assure la poursuite de l'enseignement scolaire en nommant un instituteur militaire en la personne du Sergent LECLERC du 37e Régiment d'Infanterie (Territoriaux) d'Auxerre. Il est placé sous les ordres du Commandant LAMY, il est aussi chargé du Secrétariat de la Mairie.
C'est le Commandant LAMY qui décide de la numérotation des maisons de la commune. Le Sergent LECLERC en assure l'exécution sous la forme d'un numéro peint à l'entrée de la maison, mais également un cadre indiquant le nombre d'hommes et de chevaux en stationnement. Cette initiative bénéfique a permis une facilité de la distribution du courrier en une période où facteurs et vaguemestres avaient une moins bonne connaissance des habitants du lieu ainsi que de la présence des nombreux résidents involontaires, les braves poilus en stationnement.
Curieusement cette disposition qui avait prouvé son efficacité a été abandonnée la paix revenue. Le numéro des maisons rappelait-il trop l'époque de la guerre ? Un demi-siècle plus tard, soit en 1967/1968, on retrouve les bienfaits de la numérotation; et il est étonnant de constater que les numéros d'aujourd'hui coincident avec ce qui avait été programmé en 1914-1915 !

Article rédigé par Jean SPAITE en avril 2006 - Photo de Paul Baland ajoutée le 25.08.08

vendredi 24 mars 2006

Toponymie et Histoire

  • Au gré des ans on trouve notre village sous l’appellation de FOUMENIL, FRATRUM MANSILE (Le village des Frères)
  • La terminaison MENIL indique une origine de l’époque gallo-romaine.
  • En 1034, des titres de l’abbaye de St REMY de LUNEVILLE mentionnent que les habitants de FREMENIL, tout comme ceux de VEHO, sont tenus d’assurer l’entretien du pont de DOMJEVIN sur la Vezouze.
  • En 1478 on retrouve notre village sous l’appellation de FREMIMENIL.
  • D’abord un hameau, composé de quelques habitations de fermiers qui s’étaient placés sous la protection des Templiers de DOMJEVIN, FREMENIL ne figure pas sur les cartes des Trois Evêchés avant le XVIIe Siècle. Tout laisse à penser que c’est auprès du vieux puits banal, qui lui a fourni l’eau potable (élément essentiel pour la vie des hommes et des animaux), que s’est édifié progressivement le village avec ses maisons de fermiers, de laboureurs et de manouvriers. Le lieu du culte a dû accompagner la création du village.
  • FREMENIL dépendait du domaine des Evêques de METZ. D’abord annexe de MIGNEVILLE, Monsieur de BISSY, Evêque de TOUL, l’unit à la paroisse de BENAMENIL le 22 Octobre 1686. En 1756, on retrouve notre village sous l’appellation de FRIMENIL avec son écart “le Moulin de la Baraque” qui relèvent du Diocèse de METZ - juridiction et généralité de VIC.
  • L’église a été bâtie (ou plus vraisemblablement reconstruite) en 1766.
  • En 1768, Monsieur de LIGNIVILLE était Seigneur de FREMENIL.
  • Dans les anciennes divisions de 1790 on trouve FREMENIL, canton d’OGEVILLER, District de BLAMONT - Circonscription ecclésiastique: Diocèse de METZ.
  • En 1853 à la Baraque, Moulin, il y a une maison, 2 ménages et 10 habitants.
  • En 1914, toujours à la Baraque, voici une photo d'un groupe de soldats (dont le soldat Denis KALECHE, debout devant) savourant une pause bien méritée.
  • En Juillet 1936, Monsieur l’Abbé Emile HATTON curé de DOMJEVIN, professeur d’histoire procéda à des fouilles archéologiques au cimetière de FREMENIL. Les pièces dégagées confirment l’origine gallo-romaine de notre village.

page 7 de 7 -